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ANALYSES ET RÉFLEXIONS ÉDUCATION - PARTAGE DES SAVOIRS
LOI LRU (2007 - 2009)
Publié le 19 novembre 2007 | Maj le 23 avril 2020

Autonomie des universités contre autonomie des individus. Pour faire la Révolution (verte), faut quand même avoir quelque chose dans le ventre.


Pour poursuivre ma réflexion sur l’hypocrisie de la LRU concernant l’autonomie des universités, dans un contexte où l’innovation en France n’a pas été soutenue, et où on assiste non pas à une tentative de maintenir la mutualisation des moyens d’acquérir et de créer de la connaissance, mais bel et bien de permettre à une minorité de se les accaparer, je voudrais précisément mettre l’accent sur la notion d’autonomie.

On l’a vu, l’économie capitaliste est en plein effondrement en France, et ça n’est pas moi qui l’invente, puisque la DST elle-même en fait publicité sur les campus.
Dans ce contexte, on sait très bien depuis que les emplois précaires existent, que tout le monde ne peut pas profiter du confort procuré par des emplois salariés stables et suffisamment payés, que l’on obtient en étant qualifié pour participer à cette économie basée sur l’innovation technologique. La question qui se pose donc est « mais qui donc va pouvoir se partager le gâteau, sur quels critères, et comment vont donc vivre les autres, ceux qui n’auront pas eu leur part promise par les Sirènes du Progrès capitaliste ? ».

La réponse à la première partie de la question est évidente. Avec cette réforme nous allons assister à la fin du mutualisme qui permettait à tout un chacun en ayant les capacités d’accéder à des études supérieures (en théorie seulement, il est démontré que l’école reproduit les schémas de classes sociales). La sélection se fera évidemment à la capacité financière, avec des frais d’inscription qui vont augmenter pour combler le trou du financement. Il y aura évidemment toujours quelques bourses au mérite pour justifier le système et assurer malgré tout un certain renouvellement dans un milieu qui va tendre à se clore. L’autonomie des universités implique donc la fin d’un système d’organisation sociale, basée sur le mutualisme. A l’échelle globale (santé, vieillesse, chômage, etc.) c’est en saut en arrière de 150 ans qui est en train de s’opérer.

Au delà de cette hypocrite appellation d’« autonomie » des universités qui en réalité implique une réféodalisation financière du monde, quid de l’autonomie des individus ? De quoi pourront vivre des étudiants si ils n’intègrent pas le système de l’économie capitaliste ? Ou posé différemment, qu’est ce qui existe en dehors de l’économie capitaliste ? L’économie capitaliste implique la délocalisation de l’économie. L’économie non capitaliste, est de fait une économie localisée, avec des échanges qui ne sortent pas d’un territoire défini. L’artisanat, d’une part, fait partie de ce genre d’économie. Il est captif d’un territoire, et ne peut décemment pas « délocaliser » son mode de fonctionnement. Ce qu’on appelle « les services » et qui est tout aussi captif d’un territoire, peut très bien s’inclure dans cette catégorie, une sorte d’artisanat qui ne produit rien, mais qui apporte son savoir-faire. Dans une économie localisée, en plus des artisans, se trouvent également les producteurs locaux. Ce sont ceux qui ne mettent pas leur production agricole industrielle sur des camions ou dans des avions pour les envoyer à l’autre bout du continent ou de la planète.
Dans le monde qui nous est préparé il y aura beaucoup moins d’emplois tournant autour de l’innovation, et beaucoup plus de « services » pour torcher le cul de ceux qui pourront en bénéficier. En résumé, des villages fortifiés de riches ingénieurs et/ou financiers tirant leur revenus de marchés à l’autre bout de la planète, avec vigiles et clôtures électriques, et des armées de gens contraints d’aller leur servir de domestiques pour vivre. Entre les deux, des artisans qui continueront à bien s’en sortir, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour ceux qui profitent de la flambée de l’immobilier dans certains coins de France. Dans les « services », continueront aussi à s’inclure tout le « marché » du loisir pour riches, stations de ski (si le réchauffement climatique nous le permet), centres balnéaires, etc.

Dans ce monde réféodalisé, quelle place peut-il bien rester à l’autonomie des individus et surtout qu’est ce que c’est ? Quel après-capitalisme ? La réponse est dans l’avant-capitalisme.

L’autonomie passe par la solidarité, et la solidarité au jour le jour se pratique en local.
Autonomie suppose en premier lieu autonomie alimentaire. En 68 le mouvement a pu être fort de toutes les fermes familiales qui existaient encore et où on pouvait encore se replier et donner un coup de main en cas de coup dur. Aujourd’hui ces arrières ont disparus, et pour cause, l’Etat s’échine à les faire disparaître depuis la fin des années 50 (rapport Rueff-Armand). Parce qu’on peut beaucoup plus facilement faire plier un prolétariat menacé par la faim qu’un prolétariat encore autonome alimentairement. L’après-capitalisme passe par la reruralisation, ou en termes capitaliste, la relocalisation des économies. Ou encore, en terme de slogans, préférer le potager au supermarché.
On peut faire l’expérience de la reruralisation aussi en ville. Les terrains peuvent être squattés pour l’agriculture tout aussi bien que les appartements pour les logements. Les poules et les lapins vivent très bien en ville aussi. A Porto par exemple, vous trouvez des cours d’immeubles où on entend glousser les poules. Pur régal.
Il n’y a qu’en sortant progressivement de l’économie capitaliste, que l’on pourra s’assurer un destin autonome plutôt qu’un destin de domestiques dans un monde reféodalisé.
Il faut dès aujourd’hui privilégier à grande échelle la recherche sur les bio-carburants, développer des coopératives pour leur fabrication, pour faire triompher la part d’intelligence du progrès technique sur la part asservissante de la logique capitaliste. Les bio carburants devront servir non pas à se déplacer pour la promenade, mais à garantir l’autonomie rurale en alimentant les machines nécessaires à l’exploitation (groupes électrogènes, presses, tracteurs, etc.), car là où un cheval consomme 1ha200 pour sa nourriture, des machines peuvent consommer beaucoup moins de surface, puisqu’elle ne nécessitent pas d’être nourrie quand elle ne fonctionnent pas. Et les machines ne souffrent pas. Il faut aussi amplifier la lutte contre l’industrie semencière et les OGM, que la propagande nous présente systématiquement sous un jour philanthropique, mais dont les méfaits ne laissent dupes personne de censé. La spirale industrialisant l’agriculture, n’a pas d’autre but que d’asservir définitivement les individus en les privant de l’autonomie alimentaire, ce qui est évident depuis l’introduction des semences stériles et les lois visant à défavoriser les agriculteurs qui s’autoproduisent en semences (ils doivent verser un manque à gagner aux semenciers).

C’est une logique de société à grande échelle qui est à définir, à réclamer et à obtenir.

De plus dans cette économie relocalisée, rien n’interdit d’être double-actif, c’est à dire d’avoir ses arrières alimentaires assurées par la ferme collective ou familiale, tout en ayant une seconde activité à forte valeur ajoutée. La société post-capitaliste doit au minimum offrir cette possibilité aux individus.

Et dans un monde relocalisé, où la solidarité est effective, on ne parque plus les vieux dans une maison, les handicapés dans une autre, les clochards dans un ghetto, les immigrés dans un autre, tout le monde vit ensemble, contrairement à une société capitaliste « rationnalisée » où seuls les riches et les beaux ont droit de cité.

Dans une société relocalisée, la seule organisation rationnelle qui tienne est la solidarité.

En conclusion, face à ce simulacre d’autonomie universitaire qui nous prépare une société dans laquelle nous irons vers un asservissement total et définitif, il faut réclamer une société qui garantisse aux individus de trouver une réelle autonomie, une société qui allie solidarité et autonomie, dans une économie reruralisée.


Proposé par Segognat
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