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Publié le 4 avril 2005 | Maj le 13 mai 2020

E-Agora : une utopie électronique - Version 0.8fr 04/04/2005


Les carnets web (en anglais weblog) constituent une nouvelle forme de communication inter-personnel. Ils se présentent sous la forme d’un portail internet et pourtant ils sont différents des pages web traditionnelles. Les outils de gestion de contenu qu’ils emploient font d’eux une nouvelle voix dans le paysage médiatique, une alternative aux médias de masse. Les carnet web constituent des outils pour l’émergence de communauté virtuelle qui ont la capacité de revitaliser la sphère publique.

Qu’est qu’un weblog ?

Un weblog est un site web sur lequel est mis en ligne un journal tenu au jour le jour ou d’heure en heure. Weblog, qui la contraction de web et de log, est fréquemment raccourci en blog. En français, on parle de joueb, qui est la contraction de journal et de web, ou plus simplement de carnet web.

En octobre 2004, on comptait plus de 4 millions de carnets. Ces carnet de notes publiés électroniquement qu’ils soient individuels ou collectifs mettent à disposition et à intervalles irréguliers des informations ou les ressentiments de leur auteur. Les sujets abordés sont variés. Les weblogs peuvent concerner la vie intime de son auteur, les dernières innovations technologiques ou l’actualité sociale et politique. Un carnet web peut être un journal intime qui permet de documenter sa vie pour garder contact avec des proches suite à un éloignement géographique. Un carnet permet de fournir un commentaire ou une opinion sur l’actualité. Il permet également de promouvoir une communauté et alimenter les discussions en son sein.

Par exemple, Slashdot [1] est un des weblogs les plus célèbres. Il est tenu par plusieurs personnes. Chaque article renvoie à un document publié sur Internet présentant une innovation informatique.

Est-ce uniquement un site web ?

Les weblogs constituent une nouvelle forme de communication inter-personnel comme la messagerie instantanée, le courrier électronique, les pages web ou la téléphonie cellulaire.
Contrairement à la messagerie électronique, les blogs sont persistants et publiques. Un carnet web se présente sous la forme d’un portail internet qui énumère un ensemble d’articles présentés de façon chronologique et classés selon différentes catégories [2]. Les articles sont en générales de courts documents contenant une large gamme d’information, du texte, des photos, du son et des vidéos. Les articles les plus récents sont généralement affichés en tête de page. Les articles peuvent être accompagnés de listes de liens vers d’autres carnets ou vers d’autres type de documents. Les articles peuvent être commentés à l’aide de forum de discussion.

Les carnets sont différents des pages web traditionnelles. Ils emploient des outils de gestion de contenu qui facilite l’ajout d’articles et par conséquence en augmente la fréquence. Des formats comme RSS (Real Simple Syndication) [3] ou Atom [4] permettent de gérer de tels contenus. Ces formats structurent chaque article en identifiant leur titre, un bref résumé, la date de publication, ainsi que les liens vers lesquels pointent l’article. Ces formats permettent à un site d’afficher automatiquement les derniers titres parus sur d’autres sites. On parle de syndication.
Des systèmes de publication tels que SPIP [5] permettent de bénéficier d’un certain nombre de fonctionnalités pour gérer le site à plusieurs, mettre en page les articles sans avoir à connaître de langages informatiques, à partir de n’importe quel navigateur et grâce à une interface très simple d’utilisation. Les TrackBacks [6] sont des systèmes d’alertes qui permettent au bloggeur de savoir qui a lu ses articles et qui a écrit sur le même sujet. Quand de nouvelles entrées sont ajoutées à un carnet, il envoie une notification.

D’autres technologies en cours d’élaboration ont pour but de faire des carnets web de véritable outils de gestion décentralisée des connaissances pour importer/exporter, lire, filtrer, rechercher, interroger et naviguer dans une base d’articles [7].

Une alternative aux médias ?

Les weblogs constituent également une nouvelle voix dans le paysage médiatique, une alternative aux médias de masse, à la presse écrite, radiophonique ou télévisuelle.

Alors que les médias de masse servent une sur-information absorbée sans être digérée, le carnets web filtrent l’information. Là où les médias traditionnelles se contentent d’un traitement superficiel, les bloggeurs analysent, creusent et enquêtent. Ils portent à l’attention de l’internaute une information qu’ils commentent. Le cas Trent Lott démontre la capacité des carnets à mieux identifier l’information pertinente. Les médias état-uniens parlèrent brièvement des commentaires racistes de Trent Lott lors du 100e anniversaire de Strom Thurmond. Alors que les médias nationaux avaient cessé d’en parler, les carnets continuèrent à ramener à la surface des preuves du passé haineux de Lott jusqu’à ce que les médias s’en émeuvent de nouveau et reprennent l’information plus en profondeur [8]. Les carnets web mélangent sans complexe, information et opinion, faits et valeurs, analyses documentées et ressentiments à chaud. Leur succès est tel que les journaux en ligne essayent de s’emparer du phénomène. Cet engouement montre que beaucoup de lecteurs préfèrent la subjectivité et la partialité assumées des bloggeurs à la fausse objectivité et à l’impartialité hypocrite de la presse [9].

Sans rédacteur en chef ni ligne éditorial explicite, les bloggeurs ne sont pas rémunérés et n’ont de compte à rendre qu’à leurs lecteurs. En pointant vers les sources originales de l’information, ils font preuve de professionnalisme et sont aussi crédible que les médias traditionnelles. Blogger est un travail mais pas une source de revenu. C’est un don dans la noosphère, un acte de piraterie. La seul source de gratification réside dans la qualité des conversations et des échanges que les articles génèrent.

Espoir et danger dans la Blogosphère

Plus encore qu’une simple source d’information, les blogs constituent des outils pour l’émergence de communauté virtuelle [10].

Lorsque les blogs sont collectifs, les articles se répondent les uns aux autres. Ils entretiennent une dynamique selon un rythme saccadé.
Très réactif pendant trois semaines, un weblog collectif peut être dormant pendant de longues semaines. On désigne par blogosphères les réseaux sociaux constitués par l’ensemble des weblogs qui sont liés les uns aux autres par des liens hypertextes. Le rayon d’une blogosphère correspond aux nombres de clic qui séparent deux carnets. Les blogosphères de rayon 1 clic correspondent généralement à de petites communautés locales de 3 à 20 personnes [7]. Comme dans n’importe qu’un groupe social, on décèle dans ces communautés virtuelles des phénomènes de sympathie, d’antipathie et de leadership. Ces communautés se caractérisent par des centres
d’intérêts commun, une localisation géographique commune et une même classe d’âge [7]. Ces caractéristiques expliquent 70% des liens de sympathie dans une communauté. 45% des liens de sympathie s’expliquent par des centres d’intérêts commun. 55% des liens de sympathie s’explique par une même localisation géographique (cf figure ci-jointe).

Dans ces réseaux, le rôle du meneur n’est pas de déterminer la direction et de contrôler les suiveurs, mais de maintenir l’intégrité, de représenter la volonté des suiveurs et de communiquer et d’influencer ses pairs et les meneurs d’autres communautés [11].

Au sein de ces communautés, le filtrage de l’information limite les sujets abordés et les points de vue explorés. Elle réduit le bruit informationnel ambiant mais cette personnalisation n’est pas sans danger. On décèle dans ces communautés des phénomènes de polarisation [7]. Les points de vue se renforcent mutuellement, se
radicalisent.
Ce sont des caisses de résonance où l’on ne rencontre que des opinions de même nature qui se confortent. Fors de ce danger, la blogosphère peut devenir un espace de débat public où les thèmes abordés, les faits évoqués et les idées exposées sont confrontées et viennent s’enrichir mutuellement. Cette utopie électronique qu’on peut appeler E-Agora a la capacité de revitaliser la sphère publique.

C’est un espace ou les citoyens peuvent parler, bavarder, argumenter et se confronter pour gérer des idées complexes et améliorer la démocratie sans pour autant que chacun ait le contrôle ou la compréhension du système dans son ensemble [11]. Alors que La démocratie représentative consiste en un processus d’agrégation des préférences individuelles au travers duquel les profanes et les citoyens délèguent leur pouvoir aux élus et aux experts, la démocratie dialogique est un processus participatif de composition des perspectives et des intérêts au travers duquel la société civile débat et délibère. La blogosphère constitue une expérimentation de démocratie dialogique.

La concentration du pouvoir au sein des grandes entreprises privées a diminué la diversité des points de vue et masqué la confrontation des idées. Les précurseurs de l’Internet espéraient que la facilité d’édition d’une page web augmenterait le nombre de publication et que cela conduirait à un système décentralisé favorisant la diversité.
Au contraire, les moteurs de recherche ont canalisé le plus gros du trafic et créé une économie basée sur l’audience [12].

Les outilleurs de l’Internet doivent prendre en compte le potentiel de progrès de leurs outils sur le processus démocratique mais également les risques de détournement de ces outils aux profits d’une société de surveillance. Nous devons résister au contrôle de plus en plus étroit de la propriété intellectuelle et à l’implémentation d’architectures qui ne soient pas ouvertes et accueillantes. Nous devons travailler pour fournir un accès à Internet au plus grand nombre en rendant les outils et l’infrastructure moins cher et plus faciles à utiliser.

[1] Slashdot. News for Nerds. Stuff that matters.
http://slashdot.org/

[2] Définition dans le Wikipédia
http://en.wikipedia.org/wiki/Weblog
http://fr.wikipedia.org/wiki/Weblog
Wikipédia est un projet d’encyclopédie gratuite, écrite coopérativement et dont le contenu est réutilisable selon les conditions de la Licence de documentation libre GNU.

[3] RSS est un dialecte de XML.
http://www.w3.org/TR/REC-xml/
Tous les fichiers RSS doivent être conformes à la spécification XML 1.0 publiée sur le site Web du World Wide Web Consortium (W3C).

[4] Atom est un concurrent potentiel de RSS
http://atomenabled.org
Atom pourrait supporter une plus large gamme de formats de données.

[5] SPIP est le système de publication développé par le minirézo pour la gestion du site uZine sous licence de logiciel libre (GPL).
http://www.spip.net/fr

[6] En plus de créer des liens entre articles de carnet, les auteurs créent des liens réciproques dans des "défileurs" (blogroll : liste des carnets favoris de l’auteur).

[7] COMMUNICATIONS OF THE ACM December 2004/Vol. 47, No. 12

[8] Shachtman, Noah. Blogs Make the Headlines. Wired News
http://www.wired.com/news/culture/0...

[9] Francis Pisani. Une frénésie de « blogs ». dans "Combats pour les médias", Manière de Voir n°80. Avril-Mai 2005.
http://www.monde-diplomatique.fr/mav/80/

[10] Rheingold, Howard. The Virtual Community. MIT Press. 2001.

[11] Joichi Ito. Emergent democracy. Version 1.3, 12 Mars 2003
http://joi.ito.com/static/emergentd...
Traduction de François Granger Version 1.3.76fr 25/03/03 11:03:50
http://francois.granger.free.fr/sta...

[12] Pierre Lazuly. Le monde selon Google dans "Combats pour les médias", Manière de Voir n°80. Avril-Mai 2005.
http://www.monde-diplomatique.fr/mav/80/

Explication des relations de sympathie dans les communautés virtuelles

P.-S.

Cet article est le fruit d’un travail de veille et de réflexion en partage avec d’autres internautes. Si vous l’utilisez de façon gratuite ou marchande, merci d’exprimer votre respect pour ce travail en mentionnant strictement l’origine de la publication sur les bases suivantes : son titre, son numéro de version, son auteur (dial chez no-log.org).


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