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ANALYSES ET RÉFLEXIONS URBANISME - GENTRIFICATION - TRANSPORT
SAINT-ÉTIENNE  
Publié le 13 août 2018 | Maj le 25 avril 2020

Folie des grandeurs, bienvenue en métropole !


Depuis le 1er janvier 2018, sur Sainté et ses alentours, nous vivons officiellement dans une « métropole ». Mais c’est quoi, ce nouveau machin administratif ? Qu’est-ce que ça implique dans nos vies d’urbaines ou de ruraux, ou d’entre les deux ? Chez Couac, l’envie a émergé d’essayer de soulever quelques-unes des questions que ça peut poser, et au moins d’éclaircir un peu le brouillard de tous ces termes bureaucratiques… On essayera aussi d’y revenir dans le détail, par la suite.

La France compte plus de 36000 communes, 40% du total de celles de l’Union européenne. Depuis 50 ans, presque tous les autres pays en ont très nettement diminué leur nombre. La France non, mais un autre échelon a été créé, les EPCI (Établissements Publics de Coopération Intercommunale). Ils permettent de mutualiser des moyens sur un plus large territoire. Certains ont un objet précis (syndicats mixtes de gestion de l’eau, des déchets…) et les autres, plus connus, vont de la communauté de communes jusqu’au nouveau statut de « métropole » pour lequel il faut dépasser les 400000 habitant’es. Depuis leur création, les gouvernements successifs poussent à leur agrandissement.

Le budget voté en 2017 à la Ville de Saint-Étienne prévoyait 300 millions d’euros de dépenses, contre 420 millions à Saint-Étienne Métropole
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Saint-Étienne Métropole (SEM) comptait 22 communes en 1995, contre 54 communes et 402000 habitant’es aujourd’hui. À chaque changement de taille, SEM a obtenu de nouvelles compétences sur des domaines auparavant dévolus aux communes ; entre autres : la voirie, les documents d’urbanisme, le foncier économique, etc. Le budget voté en 2017 à la Ville de Saint-Étienne prévoyait 300 millions d’euros de dépenses, contre 420 millions à SEM. Fait nouveau depuis 2015, la loi de réforme territoriale NOTRe permet aux métropoles de prendre certaines compétences du département ainsi que certains budgets afférents (pour le logement ou la jeunesse par exemple). SEM gérera donc bientôt un budget bien plus conséquent. Tous ces agrandissements et prises de compétences soulèvent des questions…

Beaucoup de décisions locales importantes se jouent maintenant à l’échelle intercommunale alors que beaucoup d’habitant’es continuent à voir la commune comme l’échelon de référence. Pas facile de s’y retrouver quand dans Le Progrès par exemple, on trouve beaucoup moins facilement d’informations sur ce que fait SEM que sur les décisions municipales. Du côté de la métropole elle-même, il y a beaucoup moins de communication institutionnelle que de la part de la Ville. Mais les deux services communication de ces entités, déjà fusionnés en seul, nous préparent un nouveau « magazine » de la métropole, le SÉMMAG, dont le premier numéro est sorti en juin 2018. Avec la même équipe aux commandes (des « journalistes » payé’es par le pouvoir), il sera sans doute dans le même esprit que Saint-Étienne ville design — le magazine, tout en nuances et bien sûr sans aucune touche de propagande officielle.
Maintenir le petit échelon territorial de la commune pourrait permettre à tout un chacun’e de plus facilement s’engager localement, a minima de garder une proximité avec les décisions prises et les personnes élu’es. Au contraire, cette logique de métropolisation est bel et bien à l’œuvre, ceci depuis des années. Chaque grande ville se dote d’institutions larges et fortes pour mener ses politiques et entrer dans le jeu de la concurrence (inter)nationale avec les autres. Des communautés de communes rurales se retrouvent absorbées dans les aires administratives des villes. Les élu’es de communes rurales n’ont souvent que peu de poids dans les orientations et décisions, les intérêts et logiques urbaines priment. Ces fusions en grands EPCI ne se font parfois pas sans résistances des habitant’es et élu’es locaux. En 2013 au nord d’ici, « Roannais agglomération » a absorbé 4 autres communautés de communes, pour dépasser les 100000 habitant’es et obtenir le statut de « communauté urbaine ». Ne voulant pas en faire partie, deux communautés de communes rurales se sont sérieusement opposées à cette fusion ; une lutte perdue suite à un passage en force de la préfète de la Loire de l’époque, Fabienne Buccio. En ce moment, l’exemple le plus visible de politique urbaine faite au détriment des campagnes est le projet d’autoroute A45. Si l’A45 voyait le jour, ce seraient les urbain’es et les marchandises qui rouleraient littéralement sur les ruraux’ales, avec un large panel de destructions, de nuisances et de désorganisation des territoires traversés. Malgré l’opposition d’élu’es de communes rurales (et "périurbaines") au conseil communautaire, un financement de 131 millions d’euros pour cette autoroute a été voté par SEM.
Parmi les arguments largement avancés par les grands EPCI pour justifier leurs projets, on trouve ces maîtres-mots que sont la compétitivité et l’attractivité du territoire. Chaque ville ou territoire se trouve alors une spécialité par le financement de « pôles de savoir-faire » (design ou label french tech, ici). Comme pendant géographique de la théorie libérale du « ruissellement » (aidons les riches à créer de l’activité qui profitera aux pauvres), l’activité et l’argent viendraient d’abord en ville pour ensuite se déverser et aider les campagnes. Un leurre ! On constate plutôt qu’en-dehors de la production agricole, les campagnes sont réduites à un simple « cadre de vie agréable et vert » pour les travailleur’euses urbain’es qui y résident, ou à des lieux récréatifs et touristiques. En bref une vision utilitaire, au service des investisseurs’euses, de catégories aisées, urbaines et « innovantes » ; qui ne va pas dans le sens des personnes désirant « vivre, travailler et décider au pays », selon cette vieille formule des mouvements d’éducation populaire ruraux.

Cette compétition des territoires, où tout est marché (et marchandises), semble être un monde parfait pour les multinationales telles que Vinci, Veolia, Bouygues, bien adaptées à cette échelle et seules à pouvoir répondre aux grands appels à projets des métropoles.

Le phénomène apparemment diffus de la métropolisation est porté par des acteurs bien réels : Saint-Étienne Métropole et ses dirigeant’es au premier plan, et les décideurs’euses au niveau national et européen qui portent cette vision libérale. Cette compétition des territoires, où tout est marché (et marchandises), semble être un monde parfait pour les multinationales telles que Vinci, Veolia, Bouygues, bien adaptées à cette échelle et seules à pouvoir répondre aux grands appels à projets des métropoles.


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