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ACTUALITÉS RÉSISTANCES ET SOLIDARITÉS INTERNATIONALES
Publié le 30 mai 2011 | Maj le 13 avril 2020

Une semaine à Madrid - La Puerta del Sol


« L’apprentissage de la démocratie réelle, ce n’est pas simple. Lundi soir, l’assemblée de politique à long terme met du temps à commencer. Beaucoup ici organisent ce genre de réunion pour la première fois de leur vie. Des cours de modération de débats sont prodigués mais il faut improviser un peu. Nous sommes plus de 400, la modératrice élue a à peine 20 ans. Chacun-e l’encourage chaleureusement. Ca marche plutôt bien. »

Lundi 23 mai, après-midi

On traite d’une question particulièrement complexe : le système des assemblées. Le mouvement du 15 Mai dispose désormais d’une assemblée générale, de commissions et de groupes de travail qui font des propositions et d’assemblées de quartier. Ces dernières sont celles qui suscitent le plus vif intérêt. Elles sont une centaine à ce jour dans Madrid. Toute la difficulté est désormais de mettre en place un processus décisionnel adapté. Après deux longues heures de débats entre confusion, exaspération, sérieux et éclats de rires, on en vient à formuler une proposition. Les assemblées de quartier devraient prendre souverainement des décisions concernant les questions propres à leur quartier. Par contre, toutes les questions qui relèvent de l’intérêt général devraient relever de l’assemblée générale.

A toute heure de la journée, sur la fontaine, un mégaphone est disponible pour qui veut prendre la parole. On appelle ça le "parlement populaire". Ce lundi soir, comme tous les soirs, une foule immense est amassée autour de la fontaine pour écouter les intervenants. Ils sont nombreux à vouloir s’exprimer, souvent pour la première fois de leur vie. Ils sont tous très différents. Il y a ce cinquantenaire qui évoque la résistance contre Franco et appelle, les larmes aux yeux la "jeunesse vaillante à libérer la patrie des nouveaux dictateurs !". Il y a cette jeune femme qui a écrit son texte parce qu’elle a peur de ne pas réussir à parler et qui lit d’une voix vibrante : "Moi ce que je sais, c’est que cette flamme qui s’est allumée dans chacun d’entre nous, personne ne pourra plus l’éteindre !". Ou encore ce jeune homme qui explique : "je ne suis presque jamais allé voter et depuis que je suis ici je n’ai pas raté une seule occasion de le faire, parce qu’ici ma voix compte. Voter, voter et encore voter, voter tous les jours s’il le faut, voilà ce que je veux faire !". Et tant d’autres... La foule les écoute, les soutient, les encourage, se désolidarise de toute provocation et de toute insulte en en appelant au respect. Quand on crée un outil citoyen, on le respecte ou on dégage !"

Mardi 24 mai, matin

"Mardi matin, on attendait peu de monde pour l’assemblée générale convoquée plus tôt qu’à l’accoutumée. Erreur ! Une fois de plus, la place est comble ! Les employé-e-s des services de propreté de la ville de Madrid on fait parvenir un message à l’assemblée. "Nous vous remercions pour tout ce que vous faites et pour votre collaboration. Nous nous sentons représentés par vous. Nous avons un travail mais nous sommes précaires. Nous n’avons pas le droit de venir prendre la parole dans vos assemblées générales parce que nous sommes en uniformes. Mais nous tenions à vous dire ceci : merci, merci, merci !" Le message a été reçu par des cris et des applaudissements appuyés de l’assemblée générale.

Un autre sujet a remué toute l’assistance. La commission extension, qui coordonne l’extension du mouvement en Espagne et partout dans le monde, annonce l’expulsion des 300 personnes du campement de Lyon la veille au soir par les forces de police. Un tonnerre d’applaudissements a salué la décision des camarades de Lyon de retourner place Bellecour le soir même. On s’est même mis d’accord sur un communiqué de soutien, envoyé sur le champ aux indignés lyonnais. Le voici : "Nous, depuis la Puerta del Sol, dénonçons l’expulsion du campement de Lyon par les forces de police qui a eu lieu cette nuit. Nous voulons transmettre à nos amis et amies de Lyon tout notre soutien. Nous serons particulièrement attentives et attentifs à ce qui se passera durant votre rassemblement de ce soir place Bellecour. Fuerza Lyon ! Que no ! Que no nos vamos !"

La principale décision de l’assemblée générale de ce mardi sera la rédaction, dans les plus brefs délais, d’un "Manifeste de la Puerta del Sol". Les commissions, groupes de travail, assemblées de quartier sont conviées à travailler à des propositions concrètes. De longues heures de débats en perspectives. Mais qu’importe ! Comme on ne cesse plus de le dire sur la place de la Puerta del Sol : "On n’est pas fatigués !"

Mardi 24 mai, aprés-midi

"Suite au communiqué des indignés de la Puerta del Sol en soutien aux indignés de Lyon, expulsés lundi soir par les forces de police, le collectif lyonnais a souhaité transmettre ses remerciements. Le message sera transmis en direct. Sur place, au micro, on traduit : "Chers camarades, depuis Lyon, en France, nous voulons vous remercier milles fois pour votre soutien. Nous allons continuer à lutter. Continuez, vous aussi ! Que no ! Que no nos vamos !" Le campement a prêté attention et reçu ces remerciements avec cris et applaudissements.”¨ Cette minute d’émotion passée, tout le monde retourne à ses travaux. Il est 20h, les groupes de travail se réunissent dans les places alentour.

A Pontejos, comme chaque soir depuis le samedi 21, le groupe de travail de politique à long terme se réuni en assemblée. Les réunions sont parfois un peu chaotiques. Les modérateurs et modératrices élu-e-s sont très jeunes. Ils n’ont jamais fait ça auparavant. Ce mardi, on fait face à un nouvel impératif : l’assemblée générale du matin a décidé de rédiger un "Manifeste de la Puerta del Sol" avec les points qui font consensus entre toutes et tous. Selon un jeune journaliste précaire, il y a urgence : "Maintenant que les élections sont passées, le PP et le PSOE, les médias, ils vont tous se concentrer sur ce qui peut nous diviser pour tuer le mouvement". Place aux propositions communes concrètes donc."

Mercredi 25 mai, matin

"Contrairement aux rumeurs lancées par les médias, le mouvement ne faiblit pas. C’est même l’inverse. Le campement grossit de jour en jour. Tellement que d’un jour à l’autre il est difficile de retrouver son chemin sur la place. A 11h, chacun peut abandonner son poste pour assister à l’assemblée générale. Il y a une commission dont on parle peu mais qui a rôle crucial dans le mouvement. C’est la "commission légale". Des avocats se relaient sur le campement. Ils sont une centaine à soutenir le mouvement. Il y en a toujours au moins trois de garde. Si la police cherche un interlocuteur, elle doit passer par eux. En cas d’expulsion, un protocole existe. Il faut "rester calmes, s’asseoir et prendre son voisin par le bras". Durant l’opération, les avocats de garde donneront leurs noms au micro et appelleront la centaine d’avocats qui soutiennent le mouvement. Tous viendront avec un panneau "avocat indigné". De quoi démentir les accusations de la droite qui laissent entendre que ce mouvement n’est constitué que de "jeunes punks".

L’urgence depuis hier, et face aux multiples tentatives de déstabilisations, ce sont les travaux d’élaboration du Manifeste de la Puerta del Sol. Ils avancent peu à peu. L’assemblée générale du lendemain sera amenée à se prononcer sur plusieurs points qui font consensus dans la plupart des groupes de travail et les assemblées de quartier interrogées : la réforme de la loi électorale pour plus de participation citoyenne, la lutte contre corruption et transparence, la séparation des pouvoirs judiciaire et politique et la mise en demeure des responsables de la crise d’en assumer les conséquences. ”¨Il faut aussi trouver un logo au mouvement. Une proposition est avancée. Il s’agit d’un dessin du monde se transformant en soleil, en allusion à la Puerta del Sol. La révolution citoyenne espagnole embrasant le monde en quelque sorte. L’idée plaît assez. Il est proposé que la "commission des arts" y travaille. Vivement qu’on voie le résultat !"

Mercredi 25 mai, aprés-midi

"Il est 17H30 et le soleil tape très dur. Certain-e-s font la sieste à l’ombre des tentes. Du côté du Parlement populaire, pas de pause. Les gens défilent les uns après les autres. Ils ont de quinze à plus de 80 ans. Des femmes, des hommes, des espagnols, des immigrés (latino-américains surtout), des touristes... Ils viennent crier leur rage : "Y’en a marre des banquiers voleurs !", "On veut un vrai démocratie maintenant, comme celle qu’on crée ici ! On veut être écoutés !" "Ça c’est notre Révolution française et elle ne va pas s’arrêter !", "Elle est où la putain de presse ? Dans ce parlement on s’exprime ! Évidemment là où est la démocratie la presse est absente !" Ils viennent expliquer leurs problèmes : "Je n’en peux plus de payer la banque !", "J’ai un job, j’ai de la chance mais je ne vais pas considérer qu’avoir un job qui me permet juste de faire manger est un privilège", "on nous éduque depuis toujours dans la peur et la compétitivité, mais personne ne change l’éducation. On nous enchaine à ça. Il faut que change".

Ils viennent donner leur point de vue sur le mouvement : "Il faut dire au gens de venir, de ne pas croire ce que dit la télé moi j’avais un peu peur de ce que j’allais trouver ici mais en fait c’est extraordinaire", "Ici on leur montre qu’on sait encore faire usage de notre liberté", "Je suis né en 1941, j’ai lutté contre le franquisme, je suis fier de vous ! Adelante, siempre adelante !", Ici c’est plus qu’une révolte. On construit un vrai pouvoir populaire. Ici on a commencé la révolution !"

Et une jeune fille frêle est venue donner un témoignage qui est à lui seul tout un symbole : "Je viens de sortir de l’hôpital mais j’ai tout de suite venir à Sol pour me battre pour mon futur ! Un truc pareil ça n’arrive qu’une fois dans une vie !" Et il y en a encore qui croit qu’un mouvement pareil peut s’éteindre ? Qui croit encore pouvoir nous faire taire ?"

Mercredi 25 mai, soirée

"Au campement de la Puerta del Sol, il y a un incontournable. C’est le Parlement populaire. Au pupitre en bois dont la maxime, écrite en gros au feutre, est "Le seul vrai délit c’est de se taire", les gens. Il y a de tout : des (parfois très) jeunes comme des (parfois très) très vieux, des femmes comme des hommes, des espagnols, des immigrés, des touristes. Ils sont là pour crier leur rage : ("Elle est où la putain de presse ? Dans ce parlement on s’exprime ! Évidemment là où est la démocratie la presse est absente !"), pour expliquer leurs problèmes (Je n’en peux plus de payer la banque ! Ils ont hypothéqué ma vie !") ou pour donner leur point de vue sur le mouvement ("Ici c’est plus qu’une révolte. On construit un vrai pouvoir populaire. Ici on a commencé la révolution !"). Du côté des médias, du PSOE et du PP ont fait tout pour étouffer le mouvement. Mais qui croit encore pouvoir faire taire les gens ? La rage est trop grande !

Du côté de l’extension du mouvement, on travaille dur. On essaie d’organiser une connexion par skype avec les assemblées de Grenade, Alicante, Séville, La Corogne, Tenerife, Bilbao, Santander, Salamanca, Jaén, Paris, Lyon et Toulouse. Pas simple. Le wifi le la place de la Puerta del Sol est faible. Les capacités électriques aussi. Après une tentative infructueuse de connexion mercredi soir, on est convenu d’un rendez-vous avec Lyon jeudi soir à 21h et vendredi soir avec Toulouse (20h) et Paris (21h). Espérons que ça marche ! Ici, tout le monde a envie de voir le mouvement prendre de l’ampleur en France. Beaucoup voient là le vrai moyen de réussir cette révolution citoyenne."

Jeudi 26 mai

Jeudi soir, le campement de Sol avait convoqué un grand rassemblement pour protester contre la loi dite du "pensionazo". Cette loi qui réduit les pensions de retraites de 15% et fait passer l’âge de la retraite de 65 à 67 ans ! Le matin, alors que la révolte gronde dans le pays, la majorité PSOE-PP a décidé d’approuver cette loi au parlement espagnol ! Un crachat de plus à la gueule du peuple en lutte. Sur la place, la rage est palpable. On la calme en chantant en chœur : "Oéé Oéé Oééé Oééé Oéé Oéé ils l’appellent démocratie mais ce n’en est pas une ! Oéé Oéé Oééé Oééé Oéé la Puerta del Sol, Madrid.

Lundi 23 mai, aprés-midi

"L’apprentissage de la démocratie réelle, ce n’est pas simple. Lundi soir, l’assemblée de politique à long terme met du temps à commencer. Beaucoup ici organisent ce genre de réunion pour la première fois de leur vie. Des cours de modération de débats sont prodigués mais il faut improviser un peu. Nous sommes plus de 400, la modératrice élue a à peine 20 ans. Chacun-e l’encourage chaleureusement. Ca marche plutôt bien. On traite pourtant d’une question particulièrement complexe : le système des assemblées. Le mouvement du 15 mai dispose désormais d’une assemblée générale, de commissions et de groupes de travail qui font des propositions et d’assemblées de quartier. Ces dernières sont celles qui suscitent le plus vif intérêt. Elles sont une centaine à ce jour dans Madrid. Toute la difficulté est désormais de mettre en place un processus décisionnel adapté.

Après deux longues heures de débats entre confusion, exaspération, sérieux et éclats de rires, on en vient à formuler une proposition. Les assemblées de quartier devraient prendre souverainement des décisions concernant les questions propres à leur quartier. Par contre, toutes les questions qui relèvent de l’intérêt général devraient relever de l’assemblée générale. ”¨A toute heure de la journée, sur la fontaine, un mégaphone est disponible pour qui veut prendre la parole. On appelle ça le "parlement populaire".

Ce lundi soir, comme tous les soirs, une foule immense est amassée autour de la fontaine pour écouter les intervenants. Ils sont nombreux à vouloir s’exprimer, souvent pour la première fois de leur vie. Ils sont tous très différents. Il y a ce cinquantenaire qui évoque la résistance contre Franco et appelle, les larmes aux yeux la "jeunesse vaillante à libérer la patrie des nouveaux dictateurs !". Il y a cette jeune femme qui a écrit son texte parce qu’elle a peur de ne pas réussir à parler et qui lit d’une voix vibrante : "Moi ce que je sais, c’est que cette flamme qui s’est allumée dans chacun d’entre nous, personne ne pourra plus l’éteindre !". Ou encore ce jeune homme qui explique : "je ne suis presque jamais allé voter et depuis que je suis ici je n’ai pas raté une seule occasion de le faire, parce qu’ici ma voix compte. Voter, voter et encore voter, voter tous les jours s’il le faut, voilà ce que je veux faire !". Et tant d’autres... La foule les écoute, les soutient, les encourage, se désolidarise de toute provocation et de toute insulte en en appelant au respect. Quand on crée un outil citoyen, on le respecte ou on dégage !"

Mardi 24 mai, matin

"Mardi matin, on attendait peu de monde pour l’assemblée générale convoquée plus tôt qu’à l’accoutumée. Erreur ! Une fois de plus, la place est comble ! Les employé-e-s des services de propreté de la ville de Madrid on fait parvenir un message à l’assemblée. "Nous vous remercions pour tout ce que vous faites et pour votre collaboration. Nous nous sentons représentés par vous. Nous avons un travail mais nous sommes précaires. Nous n’avons pas le droit de venir prendre la parole dans vos assemblées générales parce que nous sommes en uniformes. Mais nous tenions à vous dire ceci : merci, merci, merci !" Le message a été reçu par des cris et des applaudissements appuyés de l’assemblée générale.

Un autre sujet a remué toute l’assistance. La commission extension, qui coordonne l’extension du mouvement en Espagne et partout dans le monde, annonce l’expulsion des 300 personnes du campement de Lyon la veille au soir par les forces de police. Un tonnerre d’applaudissements a salué la décision des camarades de Lyon de retourner place Bellecour le soir même. On s’est même mis d’accord sur un communiqué de soutien, envoyé sur le champ aux indignés lyonnais. Le voici : "Nous, depuis la Puerta del Sol, dénonçons l’expulsion du campement de Lyon par les forces de police qui a eu lieu cette nuit. Nous voulons transmettre à nos amis et amies de Lyon tout notre soutien. Nous serons particulièrement attentives et attentifs à ce qui se passera durant votre rassemblement de ce soir place Bellecour. Fuerza Lyon ! Que no ! Que no nos vamos !"

La principale décision de l’assemblée générale de ce mardi sera la rédaction, dans les plus brefs délais, d’un "Manifeste de la Puerta del Sol". Les commissions, groupes de travail, assemblées de quartier sont conviées à travailler à des propositions concrètes. De longues heures de débats en perspectives. Mais qu’importe ! Comme on ne cesse plus de le dire sur la place de la Puerta del Sol : "On n’est pas fatigués !"

Mardi 24 mai, aprés-midi

"Suite au communiqué des indignés de la Puerta del Sol en soutien aux indignés de Lyon, expulsés lundi soir par les forces de police, le collectif lyonnais a souhaité transmettre ses remerciements. Le message sera transmis en direct. Sur place, au micro, on traduit : "Chers camarades, depuis Lyon, en France, nous voulons vous remercier milles fois pour votre soutien. Nous allons continuer à lutter. Continuez, vous aussi ! Que no ! Que no nos vamos !" Le campement a prêté attention et reçu ces remerciements avec cris et applaudissements.”¨ Cette minute d’émotion passée, tout le monde retourne à ses travaux. Il est 20h, les groupes de travail se réunissent dans les places alentour.

A Pontejos, comme chaque soir depuis le samedi 21, le groupe de travail de politique à long terme se réuni en assemblée. Les réunions sont parfois un peu chaotiques. Les modérateurs et modératrices élu-e-s sont très jeunes. Ils n’ont jamais fait ça auparavant. Ce mardi, on fait face à un nouvel impératif : l’assemblée générale du matin a décidé de rédiger un "Manifeste de la Puerta del Sol" avec les points qui font consensus entre toutes et tous. Selon un jeune journaliste précaire, il y a urgence : "Maintenant que les élections sont passées, le PP et le PSOE, les médias, ils vont tous se concentrer sur ce qui peut nous diviser pour tuer le mouvement. Place aux propositions communes concrètes donc."

Mercredi 25 mai, matin

"Contrairement aux rumeurs lancées par les médias, le mouvement ne faiblit pas. C’est même l’inverse. Le campement grossit de jour en jour. Tellement que d’un jour à l’autre il est difficile de retrouver son chemin sur la place. A 11h, chacun peut abandonner son poste pour assister à l’assemblée générale. Il y a une commission dont on parle peu mais qui a rôle crucial dans le mouvement. C’est la "commission légale". Des avocats se relaient sur le campement. Ils sont une centaine à soutenir le mouvement. Il y en a toujours au moins trois de garde. Si la police cherche un interlocuteur, elle doit passer par eux. En cas d’expulsion, un protocole existe. Il faut "rester calmes, s’asseoir et prendre son voisin par le bras". Durant l’opération, les avocats de garde donneront leurs noms au micro et appelleront la centaine d’avocats qui soutiennent le mouvement. Tous viendront avec un panneau "avocat indigné". De quoi démentir les accusations de la droite qui laissent entendre que ce mouvement n’est constitué que de "jeunes punks"."

L’urgence depuis hier, et face aux multiples tentatives de déstabilisations, ce sont les travaux d’élaboration du Manifeste de la Puerta del Sol. Ils avancent peu à peu. L’assemblée générale du lendemain sera amenée à se prononcer sur plusieurs points qui font consensus dans la plupart des groupes de travail et les assemblées de quartier interrogées : la réforme de la loi électorale pour plus de participation citoyenne, la lutte contre corruption et transparence, la séparation des pouvoirs judiciaire et politique et la mise en demeure des responsables de la crise d’en assumer les conséquences.”¨Il faut aussi trouver un logo au mouvement. Une proposition est avancée. Il s’agit d’un dessin du monde se transformant en soleil, en allusion à la Puerta del Sol. La révolution citoyenne espagnole embrasant le monde en quelque sorte. L’idée plaît assez. Il est proposé que la "commission des arts" y travaille. Vivement qu’on voie le résultat !"

Mercredi 25 mai, aprés-midi

"Il est 17H30 et le soleil tape très dur. Certain-e-s font la sieste à l’ombre des tentes. Du côté du Parlement populaire, pas de pause. Les gens défilent les uns après les autres. Ils ont de quinze à plus de 80 ans. Des femmes, des hommes, des espagnols, des immigrés (latino-américains surtout), des touristes… Ils viennent crier leur rage : "Y’en a marre des banquiers voleurs !", "On veut un vrai démocratie maintenant, comme celle qu’on crée ici ! On veut être écoutés !" "Ça c’est notre Révolution française et elle ne va pas s’arrêter !", "Elle est où la putain de presse ? Dans ce parlement on s’exprime ! Évidemment là où est la démocratie la presse est absente !" Ils viennent expliquer leurs problèmes : "Je n’en peux plus de payer la banque !", "J’ai un job, j’ai de la chance mais je ne vais pas considérer qu’avoir un job qui me permet juste de faire manger est un privilège","on nous éduque depuis toujours dans la peur et la compétitivité, mais personne ne change l’éducation. On nous enchaine à ça. Il faut que change".

Ils viennent donner leur point de vue sur le mouvement : "Il faut dire au gens de venir, de ne pas croire ce que dit la télé moi j’avais un peu peur de ce que j’allais trouver ici mais en fait c’est extraordinaire", "Ici on leur montre qu’on sait encore faire usage de notre liberté", "Je suis né en 1941, j’ai lutté contre le franquisme, je suis fier de vous ! Adelante, siempre adelante !", Ici c’est plus qu’une révolte. On construit un vrai pouvoir populaire. Ici on a commencé la révolution !"

Et une jeune fille frêle est venue donner un témoignage qui est à lui seul tout un symbole : "Je viens de sortir de l’hôpital mais j’ai tout de suite venir à Sol pour me battre pour mon futur ! Un truc pareil ça n’arrive qu’une fois dans une vie !" Et il y en a encore qui croit qu’un mouvement pareil peut s’éteindre ? Qui croit encore pouvoir nous faire taire ?"

Mercredi 25 mai, soirée

"Au campement de la Puerta del Sol, il y a un incontournable. C’est le Parlement populaire. Au pupitre en bois dont la maxime, écrite en gros au feutre, est le seul vrai délit c’est de se taire", les gens. Il y a de tout : des (parfois très) jeunes comme des (parfois très) très vieux, des femmes comme des hommes, des espagnols, des immigrés, des touristes. Ils sont là pour crier leur rage : ("Elle est où la putain de presse ? Dans ce parlement on s’exprime ! Évidemment là où est la démocratie la presse est absente !"), pour expliquer leurs problèmes ("Je n’en peux plus de payer la banque ! Ils ont hypothéqué ma vie !") ou pour donner leur point de vue sur le mouvement ("Ici c’est plus qu’une révolte. On construit un vrai pouvoir populaire. Ici on a commencé la révolution !"). Du côté des médias, du PSOE et du PP ont fait tout pour étouffer le mouvement. Mais qui croit encore pouvoir faire taire les gens ? La rage est trop grande !

Du côté de l’extension du mouvement, on travaille dur. On essaie d’organiser une connexion par skype avec les assemblées de Grenade, Alicante, Séville, La Corogne, Tenerife, Bilbao, Santander, Salamanca, Jaén, Paris, Lyon et Toulouse. Pas simple. Le wifi le la place de la Puerta del Sol est faible. Les capacités électriques aussi. Après une tentative infructueuse de connexion mercredi soir, on est convenu d’un rendez-vous avec Lyon jeudi soir à 21h et vendredi soir avec Toulouse (20h) et Paris (21h). Espérons que ça marche ! Ici, tout le monde a envie de voir le mouvement prendre de l’ampleur en France. Beaucoup voient là le vrai moyen de réussir cette révolution citoyenne."

Jeudi 26 mai

Jeudi soir, le campement de Sol avait convoqué un grand rassemblement pour protester contre la loi dite du "pensionazo". Cette loi qui réduit les pensions de retraites de 15% et fait passer l’âge de la retraite de 65 à 67 ans ! Le matin, alors que la révolte gronde dans le pays, la majorité PSOE-PP a décidé d’approuver cette loi au parlement espagnol ! Un crachat de plus à la gueule du peuple en lutte. Sur la place, la rage est palpable. On la calme en chantant en chœur : "Oéé Oéé Oééé Oééé Oéé Oéé ils l’appellent démocratie mais ce n’en est pas une ! Oéé Oéé Oééé Oééé Oéé Oéé c’est une dictature voilà ce que c’est !" Décision est spontanément prise de marcher jusqu’au Parlement et d’inviter les députés à venir écouter l’assemblée générale des indignés. Peine perdue ! La police a reçu consigne de ne pas nous laisser approcher. Les négociations ne mèneront nulle part.

Les "représentants du peuple" ne veulent pas entendre ce que ce dernier a à lui dire.”¨On retourne sur la place aux cris de "Non, non, ils ne nous représentent pas", la rage au ventre. Un invité de marque nous attend. Il s’agit du philosophe Agustà­n Garcà­a Calvo. En 1965, il avait pris parti pour les étudiants qui avaient décidé de manifester contre Franco. Aujourd’hui, il est venu soutenir le mouvement révolutionnaire. La foule qui se presse à Puerta del Sol est plus impressionnante que jamais. Nous sommes des milliers et l’assistance ne cesse d’augmenter au fur et à mesure.

Après l’approbation générale de la revendication d’une éducation gratuite, de qualité, publique et laïque pour toutes et tous, on revient au sujet qui inquiète tout le monde : l’après Sol. Tout le monde craint l’expulsion. Une idée et un slogan sont lancés par la commission permanente :"si le 15 Octobre, les banquiers et les politiques n’ont toujours rien fait, on reprend la rue, on reprend la place et on propose la grève générale". Et on leur répétera inlassablement "qu’on connaît le chemin du retour à Sol". Mais pour le moment, les indignés sont encore là et ils comptent.

"Oéé c’est une dictature voilà ce que c’est !" Décision est spontanément prise de marcher jusqu’au Parlement et d’inviter les députés à venir écouter l’assemblée générale des indignés. Peine perdue ! La police a reçu consigne de ne pas nous laisser approcher. Les négociations ne mèneront nulle part. Les "représentants du peuple" ne veulent pas entendre ce que ce dernier a à lui dire.”¨ On retourne sur la place aux cris de "Non, non, ils ne nous représentent pas !", la rage au ventre. Un invité de marque nous attend. Il s’agit du philosophe Agustà­n Garcà­a Calvo. En 1965, il avait pris parti pour les étudiants qui avaient décidé de manifester contre Franco. Aujourd’hui, il est venu soutenir le mouvement révolutionnaire. La foule qui se presse à Puerta del Sol est plus impressionnante que jamais.

Nous sommes des milliers et l’assistance ne cesse d’augmenter au fur et à mesure. Après l’approbation générale de la revendication d’une éducation gratuite, de qualité, publique et laïque pour toutes et tous, on revient au sujet qui inquiète tout le monde : l’après Sol. Tout le monde craint l’expulsion. Une idée et un slogan sont lancés par la commission permanente : "si le 15 Octobre, les banquiers et les politiques n’ont toujours rien fait, on reprend la rue, on reprend la place et on propose la grève générale". Et on leur répétera inlassablement "qu’on connaît le chemin du retour à Sol". Mais pour le moment, les indignés sont encore là et ils comptent


Proposé par Max Chougro
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