En ces temps de guerre et de serrage de vis généralisé, les conditions de vie insupportables qui nous sont imposées reposent sur la peur. Peur de perdre son boulot et de ne pas arriver à boucler les fins de mois, peur de la police, peur de la prison. Un sentiment encore renforcé par un état d’urgence prolongé indéfiniment et par l’enfermement de toujours plus de récalcitrantEs et pour toujours plus longtemps.
Il y a pourtant tellement de raisons de se révolter contre ce monde de fric et de flics, qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que nombre d’individuEs ne se résignent pas et continuent d’agir envers et contre tout, à quelques-unEs ou à plusieurs, de jour comme de nuit.
Car la guerre sociale ne connaît pas de trêve contre l’ordre mortifère de l’État et du Capital : attaques de frontières, mutineries en taule, évasions de centres de rétention, sabotages de projets d’aéroport ou de THT, saccages d’écoles, incendies d’engins de chantier ou de câbles des flux de transport et d’information, destructions de permanences électorales ou émeutes suite à un énième assassinat policier, débrouilles quotidiennes pour tenter d’échapper à l’aliénation salariée,... voilà un peu du désordre quotidien qui se passe volontiers de loi –divine ou terrestre– pour se manifester en toute liberté.
Ces derniers mois dans différentes villes, nous sommes nombreux/ses à nous être réjouiEs de la multiplication d’actes offensifs dans la rue ou dans les taules. Des manifs sauvages pendant le dit « Mouvement contre la loi travail », avec leur lot d’affrontements avec les flics et de destructions, jusqu’aux perturbations déjà perceptibles des élections qui s’annoncent ; de l’attaque incendiaire de la bagnole de keufs défendant une caméra de vidéo-surveillance à Viry-Châtillon jusqu’aux émeutes de Beaumont-sur-Oise suite au meurtre d’Adama ou à celles d’Aulnay-sous-Bois en réaction au viol de Théo ; des mutineries dévastatrices de Valence, de Vivonne ou d’Aiton aux évasions réussies du CRA de Nîmes ou de la prison de Riom…
La résignation et la pacification se sont pris quelques coups de griffes bien sentis.
Mais quand le cœur s’emballe en apprenant ces bonnes nouvelles, il est bien trop courant qu’arrivent dans la foulée le dégoût et la rage de savoir (sans en être surprisE) que ces actes ont été réprimés. Ce qui peut être surprenant en revanche, c’est la temporalité dans laquelle s’inscrit cette répression. Ces derniers temps, la justice a bien rappelé qu’elle sait être patiente et frapper de longs mois après le déroulement des faits incriminés. Parfois même, lorsque ces révoltes prennent des proportions trop insupportables pour les puissantEs, un traitement médiatico-juridico-policier les transforme en « affaires ». Cela permet alors de mettre le focus sur unE ou quelques individuEs que l’on cherche à extraire d’un contexte social de révolte pour rendre plus dissuasif ce traitement exemplaire.
Face aux mécanismes d’isolement et d’atomisation à l’œuvre, quels échos subversifs faire naître en solidarité avec ces actes ?
En dépassant les concepts de culpabilité et d’innocence, qu’est-ce qui me relie (ou non) aux personnes accusées de les avoir commis ?
Comment reconnecter ces différents morceaux de conflictualité alors même que l’État cherche à toute force à les éparpiller ?
Comment me dégager un peu de l’apathie et de la peur engendrées par la répression pour contribuer plus intensément à l’existence d’un monde débarrassé de tout enfermement, de toute domination et de toute autorité ?
Voilà quelques unes des questions que l’on souhaite creuser ensemble lors de cette soirée.
Encart Kaliméro :
La caisse de solidarité avec les prisonnier.e.s de la guerre sociale Kalimero, créée aux lendemains du mouvement contre le CPE, existe depuis maintenant dix ans en région parisienne. Actuellement et depuis plusieurs mois, elle envoie des mandats réguliers à plusieurs incarcéré.e.s en préventive suite à l’attaque de la voiture de flics qui a flambé lors de la manif du 18 mai 2016, à un des émeutiers de Beaumont-sur-Oise incarcéré en préventive après l’assassinat d’Adama par les gendarmes en juillet 2016, ou au compagnon condamné à 10 mois de prison ferme suite à la manif saccageuse « Jaguar » du 14 avril 2016.
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