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PARIS & ALENTOURS  
Publié le 27 décembre 2022 | Maj le 31 décembre 2022

Procès 1312 : L’éborgneur Mathieu, acquitté pour ne pas émasculer la police (et l’État)


Alexandre Mathieu est le nom du CRS qui a éborgné Laurent Théron le 15 septembre 2016 à Paris, Place de la République, en lançant dans une foule éparse une grenade à main de désencerclement (GMD). Il comparaissait aux Assises de Paris du 12 au 14 décembre 2022 pour « blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente » (lire notre appel). Dans cet article, nous l’appellerons l’éborgneur, puisque sa responsabilité dans la mutilation de Laurent n’est pas mise en doute.

Caliméro parmi les CRS : le CV de l’éborgneur

Au cours de la première journée d’audience, la juge procède au tirage au sort des jurés. Le seul juré au nom arabe est immédiatement récusé par l’avocat de l’éborgneur, Laurent-Franck Liénard. Puis la juge expose les faits, avant de donner la parole à l’accusé.

Debout à la barre, se tenant les mains dans le dos, le grand dadais au physique de contrôleur de gestion cache mal sa rigidité émotionnelle. Il est le portrait craché de Felonius Gru, le personnage du demi-méchant dans « Moi, moche et méchant ». Froissant son nez pour remettre en place ses lunettes, il jette régulièrement des regards sans lueur vers les bancs de la partie civile. Tentant maladroitement d’exprimer de la compassion, l’éborgneur formule des excuses hâtives et peu convaincantes, probablement motivées par la seule volonté d’attendrir la cour, dans la continuité de la lettre qu’il avait stratégiquement adressée à Laurent en octobre 2018.

Une assistante sociale et deux psychologues se succéderont d’ailleurs à la barre pour renforcer le trait, en présentant l’éborgneur comme un tendre humaniste, volant au secours de son prochain, ayant même sauvé une collègue du suicide et recueilli chez lui un enfant handicapé. On sait avec qui roulent les experts judiciaires. Avec ce cynisme qui lui est propre, l’avocat Liénard commentera même :

« À vous entendre, on dirait que vous parlez d’une victime » – Laurent-Franck Liénard, avocat d’Alexandre Mathieu

Dans la salle derrière l’éborgneur, toute la partie droite de l’auditoire est constituée de ses proches, ainsi que de ses collègues, alignés comme autant de cubes de béton, avec mines patibulaires et mâchoires serrées. L’un d’eux, celui qui ressemble le plus à un taureau gonflé aux protéines, porte un gros tatouage Viking sur le cou. Autant dire que cette moitié du public respire davantage la testostérone et l’esprit de corps que la sensibilité et l’empathie, qui caractérisent plutôt le reste de l’auditoire venu en soutien à Laurent. Parmi les flics, on identifie rapidement Linda Kebbab et Grégory Joron, délégués syndicaux de Unité SGP, ce même syndicat qui s’est choisi comme délégué syndical l’assassin d’Amine Bentounsi suite à sa condamnation, mais aussi Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d’Alliance. L’acteur Samuel Le Bihan passe aussi s’asseoir parmi les policiers : à force de trop jouer des flics au cinéma, on peut se demander s’il n’aurait pas raté une vocation…

En 1995, qui est aussi l’année où la grenade à main « de désencerclement » DMP/95 est inventée, l’éborgneur Mathieu passe une première fois le concours de police, cherchant « un peu plus d’action dans sa vie » tout en souhaitant « contribuer au vivre ensemble ». « J’aime le contact avec les gens”, dit-il, et « dans la police, on est des acteurs sociaux » (sic). Il obtient la note médiocre de 4,25/20 à l’oral, ce qui lui vaut d’être recalé au concours, qu’il obtient néanmoins l’année suivante. Sa vivacité intellectuelle ayant semble-t-il été reconnue, il servira ensuite 19 ans dans la BAC, unité à la réputation peu reluisante dont il ne prononcera jamais le sigle, préfèrant parler de « brigade nuit » et de « police secours ».

“Candidat rigide qui semble très contrôlé et limite considérablement les investigations du (illisible). Peut présenter des difficultés à être commandé” – Note du service de recrutement suite à son examen oral, 15 mars 1995

Le 1er septembre 2016, il rejoint les rangs de la CRS 07 de Deuil-la-Barre. La motivation de cette mutation : un meilleur salaire. Mathieu participe d’abord à des missions de sécurisation de foires, avant de faire une journée de mise en condition à Calais, terrain bien connu de la chasse républicaine aux migrant-e-s. Là, de ses propres mots, il apprend tout juste à chausser ses jambières et sa cuirasse avant d’être propulsé chef de groupe, et alors même qu’il n’a eu aucune formation au maintien de l’ordre. L’un de ses collègues, qui passera à la barre comme témoin au deuxième jour du procès, dira que cette journée à Calais « s’est bien passée », alors même que Mathieu prétend que leur unité y aurait été attaquée par des migrants pendant sa pause déjeuner. La police harcelée par les migrants, on aura tout entendu…

Les faits conduisant à la mutilation

Le 15 septembre de la même année, soit à peine deux semaines plus tard, la CRS 07 est déployée pour réprimer le cortège de la manifestation parisienne contre la Loi Travail. Entre 16h et 17h, elle intervient sur la place de la République pour dégager une unité de gendarmes mobiles coincés dans la bouche de métro centrale. Vers 16h10, elle est accueillie par un jet de cocktails molotov, qui nécessite l’évacuation d’un collègue de leur unité. C’est à ce moment-là que le désir d’action du CRS Mathieu va se trouver récompensé. A nouveau parachuté chef de groupe par ses supérieurs Thorel et Tomi, alors qu’il n’a toujours pas été officiellement formé au maintien de l’ordre, il accompagne un collègue au camion pour l’aider à ravitailler son unité en grenades lacrymogènes MP7 et en grenades de désencerclement DMP/95. Alors qu’ils reviennent sur le centre de la place, Mathieu décidera de garder une grenade DMP/95 avec lui, en plus de deux grenades MP7. Son collègue affirme qu’il lui aurait alors bien indiqué la nécessité de respecter le protocole consistant à faire rouler la grenade au sol. Comme si Mathieu n’avait jamais entendu parler de cette grenade au cours de sa dernière décennie à la BAC…

P.-S.

La suite de ceta rticle à lire sur le site desarmons.net


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