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ANALYSES ET RÉFLEXIONS ANTIFASCISME
FRANCE  
Publié le 21 mars 2024 | Maj le 26 mars 2024

Reconnaître l’extrême-droite : les influenceurs (1/3)


Nous entamons notre troisième volet de « Connaître l’extrême droite pour mieux la combattre » consacré cette fois-ci aux influenceur-euses d’extrême droite, ou du moins, ceux ou celles qui permettent de servir son propos. Dans ce premier volet, on se penche sur les cas d’Alain Soral, Papacito, Daniel Conversano et Thais d’Escuffon.

L’extrême droite a toujours réussi, à se saisir des outils numériques afin d’y diffuser largement sa propagande et ses idées reçues. Première organisation politique à se doter d’un site internet pour le RN, utilisation massive de twitter et présence d’une fachosphère imposante, diffusion massive de fake news... Quoi de plus logique aujourd’hui pour l’extrême droite que de servir sa soupe à travers les formats plus modernes que représentent les influenceur-ses.

Youtube, Tik Tok ou encore Instagram, les médias sociaux ont émergé comme des plateformes puissantes et influentes, redéfinissant la manière dont l’information est diffusée et consommée.

Ces prochains jours, nous verrons à travers 14 portraits et profils différents leur montée en puissance, leurs stratégies de communication, et l’impact de leurs présences en ligne. En analysant ces figures émergentes, nous chercherons à comprendre comment elles façonnent les discours, mobilisent leurs adeptes, et constituent aussi des business lucratifs pour eux-lles. Le tout en déversant un discours fascisant qui permet d’élargir toujours plus, la fenêtre d’Overton.

ALAIN SORAL

Alain Soral, pionnier des youtubeurs d’extrême droite, a réussi à émerger comme la nouvelle figure de la « rébellion » en moins de dix ans. De la frange néo-nazie aux jeunes des quartiers populaires, il a attiré de nombreux adeptes avec des discours bancals et une pertinence douteuse.

Sous prétexte de construire une « unité nationale entre toutes les catégories sociales françaises », comme proclamé sur le site de son association « Égalité et Réconciliation », Soral dissimule sa véritable nature. Derrière le masque d’un prétendu révolutionnaire nationaliste « anti-capitaliste », se cache un charlatan aux discours antisémites, islamophobes, racistes, patriarcaux et populistes, dépourvus, en plus, d’une analyse de classe dans sa réflexion prétendument « anti-système ».

Sa principale force a résidé dans la création d’un auditoire au sein des quartiers populaires, exploité à travers les crises identitaires et politiques générées par le système capitaliste. L’État qui, à grand renfort de politiques libérales, a abandonné et stigmatisé les habitant·e·s des quartiers populaires, a permis à Alain Soral d’exploiter une colère légitime et de s’en créer un fond de commerce en prônant l’égalité tout en instrumentalisant la lutte pour la Palestine afin de rallier les jeunes issus de l’immigration.

Cela ne l’a pas empêché de maintenir des positions suprémacistes françaises, clamant la nécessité de préserver la « condition française » contre « l’arrivée des nouveaux arrivants ». Sur son site, il n’hésite pas à légitimer régulièrement la notion de « Français de pure souche », balayant donc toute aspiration à l’égalité. Soral est conscient de ces contradictions mais l’essentiel est ailleurs : en conquérant le cœur des jeunes de banlieue, il réussit le tour de force de neutraliser une force de contestation populaire pour se l’approprier en y imprimant sa marque idéologique.

Cependant, derrière cette façade de « figure » politique se cache un véritable entrepreneur qui a exploité les mêmes stratégies qu’il prétend combattre pour étendre son empire. La création d’Égalité & Réconciliation lui a servi de vitrine afin de promouvoir son imposture idéologique et de commercialiser ses produits, tout en développant sa propre marque à travers des boutiques et une maison d’édition. « Au bon Sens » magasin bio , « Instinct de Survie » boutique survivaliste surfant sur la nouvelle mode de l’extrême droite ou encore « Kontre Kulture », la plus célèbre des firmes d’Alain Soral, maison d’édition obscure qui lui permet de diffuser son fourre-tout idéologique à travers la vente de différents ouvrages.

L’entreprise « Culture pour tous », dont Soral détient 80%, est la force motrice derrière ses multiples activités commerciales. Cette SARL, créée en 2011, a contribué à faire de lui un millionnaire, réalisant un chiffre d’affaires remarquable en 2014.

L’année dernière, StreetPress a mené une enquête approfondie sur les comptes de l’ensemble des entreprises et associations liées à Alain Soral, exposant une structure financière complexe et opaque. Les documents analysés détaillent le contrôle exercé par Soral sur diverses entités, notamment Égalité & Réconciliation (E&R), Culture pour Tous, Kontre Kulture, Au Bon Sens, et Prenons le maquis.

Les revenus d’Alain Soral, examinés dans l’article, comprennent des salaires, des droits d’auteur, et des virements mystérieux depuis des comptes suisses. L’article soulève des questions sur la nature des activités financières de Soral, mettant en lumière l’opacité et les ramifications financières de son empire commercial.

La popularité d’Alain Soral et son autoproclamation en tant que « Chef des Dissidents » masquent essentiellement sa compétence à exploiter les vulnérabilités du système qu’il critique, transformant ainsi ces attaques en une source lucrative. Son image soigneusement construite s’avère être une imposture, reposant principalement sur du sexisme, du racisme, des mensonges et des mythes problématiques.

Source :

PAPACITO

Papacito ne dissimule en aucun cas ses idéaux plus qu’assumés, puisqu’il qualifie de “méga méga méga fasciste” son propre comportement dans l’une de ses vidéos. On ne compte plus le nombre de polémiques et d’accusations toujours plus révélatrices de la haine qu’il alimente : homophobie, racisme, sexisme, islamophobie...
Inutile de préciser qu’il affiche un soutien clair à Zemmour et Le Pen pour les présidentielles de 2022, le premier le qualifiant d’ailleurs de "sympathique".
Profondément anti-républicain – système qui serait selon lui manipulé par les francs-maçons –, son positionnement monarchiste devient la cerise sur un gâteau dont la date de péremption des ingrédients remonte aux années 1930.

De son vrai nom Ugo Gil Jimenez, il est un militant toulousain d’extrême droite de 37 ans.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Papacito fait ses début dans la politique au PCF d’Arcueil, bercé dans une famille militante anarchiste qui s’opposèrent à Franco pendant la dictature espagnole. Il ne suit pas la voie politique de ses parents, il considérera même plus tard avoir “pris conscience (sic) du monde qui l’entoure”.
Il vire de bord après des études en sociologie qui l’ont profondément déçu, dispensées dans des facultés prétendument symboles du “creuset de la gauche”.
Il se fait connaître sur internet à travers un blog, les “FDP de la mode”, puis par des bandes dessinées et quelques publications. Mais sa popularité explose lors de la sortie d’une certaine vidéo en juin 2019...

Papacito doit en effet sa popularité à une de ses vidéos ayant buzzé, dans laquelle il tire à balle réelle sur des mannequins représentant des “gauchistes”. L’objectif est clair et atteint : provoquer l’extrême gauche pour se faire connaître.
Cette vidéo-buzz est une successions de phrases et d’actions qui pourraient chacune faire polémique, tout en faisant l’apologie de la violence fasciste et des armes à feu.
Après une viralité aussi effective qu’inquiétante, la vidéo se fait supprimer par Youtube quelques jours plus tard alors que celle-ci venait de dépasser les 100 000 vues.

Mais ce n’est pas la dernière fois qu’internet entend parler de lui : entre novembre 2022 et mai 2023, il publie une suite de vidéos en soutien à Pierre Guillaume Mercadal, un éleveur porcin du Tarn-et-Garonne, qui était en conflit avec le maire de la commune, Christian Eurgal, qui avait autorisé l’accès d’un chemin à un Lord anglais appartenant à l’origine à Mercadal. Il suffit de lire les chefs d’accusations pour comprendre la violence des paroles diffusées dans la vidéo qui va à l’encontre du maire : "provocation à la haine en raison de l’origine", "injures publiques en raison de l’orientation sexuelle", et "provocation non suivie d’effet à une atteinte volontaire à la vie aggravée", sans oublier la vague de cyberharcèlement subie par le maire de la ville.

Aujourd’hui, Jimenez perpétue son activité sur son compte Instagram @ugojiljimenez où il continue sa propagande d’extrême droite (cagnotte pour Israël, prosélytisme...), suivi par 123000 personnes. Il est encore fréquemment mentionné ou invité chez d’autres youtubeurs d’extrême droite (Psyhodelik, GEORGES, le Hussard...).

Il n’y a plus qu’à espérer qu’à l’issue du procès qui l’attend ce 28 février 2024 pour provocation à la haine (vis-à-vis de l’affaire du maire de Montjois) le jugement lui soit défavorable et qu’internet et la société en général soient libérées un moment de ce néo-fasciste.

DANIEL CONVERSANO

Daniel Conversano s’est hissé sur le devant de la scène lors de l’avènement de Dieudonné et de son mouvement Egalité et Réconciliation.
Il a gagné rapidement les faveurs de ce dernier, travaillant à ses côtés au théâtre de la Main d’or et contribuant à la réalisation de deux de ses longs métrages, "L’antisémite" et "Métastases".

Issu d’une famille de militant·e·s du Front National, il a débuté son parcours politique comme colleur d’affiches et en soutenant le parti lors de différentes élections. Sa notoriété a connu une ascension fulgurante lors du prétendu débat de réconciliation orchestré par Dieudonné en 2016 sur sa chaîne "niveau zéro". C’est à ce moment qu’Alain Soral, dans un simulacre de conflit visant évidemment à se réhabiliter, l’a agressé sous prétexte de défendre les "musulmans patriotes" après les déclarations racistes de Conversano qui affirmait que "les Français en ont marre des Arabes".
Conversano, partisan de la différenciation raciale, assume ouvertement son suprémacisme blanc en parlant d’ailleurs de « bougnoulisation (sic) » de la France, plaçant l’identité raciale au-dessus de tout. Ouvertement néo-nazi en début de carrière, il se proclame aujourd’hui raciste et racialiste.

Son parcours médiatique est jalonné de chaînes et de vidéos toutes plus racistes les unes que les autres. Allant même préférer Marine Le Pen à Zemmour pour sa blanchité : « Je préférerais que Marine Le Pen ait le talent d’Eric Zemmour, parce que Marine Le Pen, elle est vraiment française ». Daniel Conversano est tellement radical qu’il estime que des personnalités comme Papacito ou Julien Rochedy sont bien trop à gauche pour « le milieu de la dissidence française. »

Médias :

Il a commencé avec l’émission "Vive l’Europe" sur YouTube, puis a créé sa propre chaîne, initialement appelée "Savuelos", qu’il a rebaptisée "Les Braves" en 2019.
Au fur et à mesure des années, Conversano a étendu son réseau en interviewant et en invitant des figures notoires de la mouvance fasciste française de Jean Marie Le Pen à Serge Ayoub, contribuant ainsi à la diffusion et à la légitimation des idées d’extrême droite en France et en Roumanie où il s’est expatrié depuis 2018.

En plus de ces activités fascisante sur le net, Conversano a décidé de se convertir dans un autre type de business, aussi nauséabond que ses idées : il est désormais à la tête d’un prétendu "site de rencontres" qui cherche à mettre en lien des jeunes blancs nationalistes et des jeunes femmes issus des Pays de l’Est. (batirunfoyer.com)

THAÏS D’ESCUFFON

Issue d’une famille noble et originaire de la région toulousaine, de son vrai nom Anne-Thaïs du Tertre d’Escoeuffant, Thaïs d’Escuffon est une militante identitaire supremaciste blanche dont le discours s’est aujourd’hui recentré sur une ligne antiféministe, masculiniste, tradwife.

Elle est issue de « Génération Identitaire », dont elle a assuré le porte-parolat entre 2019 et 2021 par la diffusion, sur les plateaux de médias d’extrême droite ou non, des thèses racistes de son organisation. Parmi celles-ci, on peut notamment citer cette théorie raciste teintée de féminisme : « Le principal danger pour les femmes, ce sont les hommes immigrés africains, noirs et arabes  ! ». Elle s’est fait connaître suite à l’action d’agitprop (déploiement d’une banderole "Justice pour les victimes du racisme anti-blancs") qu’elle a menée en marge d’un rassemblement massif antiraciste à l’appel du comité Adama dans le sillon du meurtre de Georges Floyd au État Unis par Derek Chauvin.
À l’époque, l’action indigne d’autant plus que les militant•es de GI publient une photo d’elleux tout sourire à l’intérieur du fourgon de police les ayant interpellé·es, suggérant une totale impunité face à la police.

Elle a également été poursuivie pour provocation à la haine raciale dans le cadre des actions anti migrants de GI dans le col des Pyrénées. Initialement condamnée en 2021, elle a ensuite été relaxée en 2022, mais a par ailleurs été condamnée à huit mois de sursis pour l’envahissement par GI des locaux de SOS Méditerranée.

C’est après la dissolution de GI que Thaïs d’Escufon s’investit d’avantage dans sa carrière d’influenceuse. Sur sa chaîne YouTube, elle déploie une ligne antiféministe, appelant les femmes à embrasser leur féminité traditionnelle (le mouvement tradwife), souhaitant l’émergence d’hommes forts, et prônant un discours rétrograde sur les relations hommes femmes, les violences sexistes et sexuelle normées, tout en assumant des positions racistes et transphobes. À travers son contenu, elle flatte un public masculin d’INCEL (acronyme anglais pour célibataire involontaire), cible privilégiée de l’extrême droite en raison de la porosité idéologique de ce milieu. En effet, de nombreux terroristes masculinistes ont assassiné des femmes en se revendiquant de l’idéologie incel, notamment aux États-Unis, au Canada et en Allemagne. Ce discours misogyne porté par Thaïs d’Escufon alimente une tendance étayée par une étude du centre Gallup sur les jeunes de moins de 30 ans aux États-Unis, en Allemagne et en Corée, laissant entrevoir un plus grand conservatisme chez les jeunes hommes face à des jeunes femmes plus progressistes.

In fine, Thaïs d’Escuffon n’est rien d’autre que l’alter féminine et présentable de nombreux discours masculinistes et racistes déjà développés par d’autres. Elle joue sur l’image de fragilité et d’innocence des femmes blanches, historiquement instrumentalisées pour servir les politiques racistes, mais aussi sur une dévalorisation répétée de toute femme n’étant pas soumise à un homme, dans un discours franchement réactionnaire. Elle s’est aujourd’hui enfermée dans la régurgitation idéologique de prêt-à-penser masculinistes et racistes à un public d’hommes qui la fantasment autant qu’il la méprisent, tout ça pour écraser les non blancs, les femmes et les minorités de genre.

Sources :


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