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ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON
Publié le 9 décembre 2016 | Maj le 12 janvier 2019

Rencontre/débat : justice pour Adama


Retour sur la soirée du 3 décembre 2016 à Lyon

Adama Traoré est mort dans une gendarmerie du Val d’Oise le 19 juillet 2016 dans des circonstances mystérieuses autant que douteuses. Sa sœur jumelle, Hawa Traoré, était à Saint-Étienne lors du forum « désarmons » du 22 et 23 octobre. Elle était venue pour parler du combat de sa famille qui n’a de cesse depuis cet été de chercher à obtenir justice et vérité sur cette affaire. Elle était à nouveau dans la région pour une rencontre de soutien et un débat autour de la question de l’impunité policière qui s’est déroulée à Lyon le 3 décembre dernier, avec sa mère, plusieurs de ses frères, et Farid El Yamni, dont le frère, Wissam, est mort à Clermont il y a 5 ans, après avoir été arrêté par 2 policiers. La rencontre devait s’effectuer à la MJC Jean Macé mais suite à un appel de la mairie le centre culturel est revenu sur sa décision d’accueillir l’événement… qui a donc dû être déplacé, à la dernière minute, à l’Atelier des Canulars.

Cet article découle directement des prises de parole de cette soirée, durant laquelle il a longuement été question d’information, de communication et de médiatisation des combats de ces familles qui réclament des sanctions contre les forces de l’ordre, responsables de la mort de leurs proches. Car parler d’Adama Traoré, de Wissam El Yamni, de Zyed Benna, Bouna Traoré, Amine Bentounsi, Ali Ziri et de tous les autres peut seul permettre une plus grande vigilance, et éviter d’autres morts dramatiques et injustes.

Les problèmes qui conduisent à cette situation d’impunité sont multiples. Il a tout de même beaucoup été question le 3 décembre des lacunes du système juridique actuel qui ne comporte pas d’organe indépendant pour enquêter sur les abus et les bavures de la police. Les policiers enquêtent sur leurs confrères policiers, et le Parquet a été condamné en 2010 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui a pointé du doigt le fait que les procureurs n’étaient pas des magistrats indépendants. Situation dénoncée également par Amnesty International… il y a de quoi s’insurger contre l’évidente partialité de ceux dont la mission devrait pourtant être de sanctionner aussi sévèrement les forces de l’ordre coupables de violences, voire de meurtre, que l’on sanctionne ceux qui sont accusés de violence envers ces derniers. Les sanctions devraient être d’autant plus sévères que ceux qui abusent de leur pouvoir, ceux qui assassinent, le font dans l’exercice de leur fonction de représentants de l’État. Et pourtant : Youssouf et Bagul, les frères d’Adama ont été arrêtés puis enfermés en détention provisoire pour « Â outrage » (leur crime : ils auraient « Â insulté » des policiers) tandis qu’aucun juge n’est encore nommé pour lancer l’enquête censée déterminer les responsables de la mort d’Adama…

Au corporatisme qui recouvre des « Â bavures » de policiers d’une chape de silence, de mensonge et d’oubli, s’ajoute un 2e facteur, que l’on peut très nettement distinguer en regardant l’identité et l’origine des victimes de violences policières : dans la salle de l’Atelier des Canulars qui accueille la rencontre du 3 décembre, des portraits d’hommes tués par la police des dernières années. Tous sont noirs ou arabes. Si cela ne s’appelle pas du racisme, alors je me demande bien ce que c’est ! Ceux qui portent armes et brassards et laissent parler leurs haines et leurs préjugés en toute impunité pratique le délit de faciès banalisé, et vont jusqu’au crime à l’occasion. Il sera toujours possible par la suite de criminaliser les victimes (inversion frappante des rôles) en disant qu’il s’agissait de jeunes des banlieues (mais l’étiquette « Â casseurs », « Â communistes » ou « Â anarchistes » fait le même effet) de voyous en somme… Ainsi, Assa, la sœur aînée d’Adama, est attaquée en justice par la maire de Beaumont pour diffamation, tandis que Bagul et Youssouf sont emprisonnés pour outrage : le but est clairement de bloquer la solidarité autant que possible, et d’isoler la famille.

Mais cet acharnement particulier sur la famille Traoré est aussi le signe que l’affaire fait plus de bruit que d’habitude et inquiète les autorités. Une prise de conscience de plus en plus importante émerge depuis quelques temps que, oui, notre police assassine. C’est d’endurance dont il va falloir faire preuve pour les proches d’Adama afin que l’enquête se déroule dans la plus grande impartialité, et que les responsables ne soient pas protégés par leur fonction. La justice, comme la police, mène l’enquête et délibère en fonction de ce que l’institution a à perdre. Il est rarement question d’équité, et si elle peut protéger ses agents, elle le fait un peu trop souvent… Les policiers assassins sont promus au lieu d’être condamnés : des privilèges pour acheter le silence. Et puis des policiers avec des casseroles, on en fait ce qu’on veut !

Il serait peut-être temps de se questionner sur le pouvoir qu’on abandonne entre les mains des forces de l’ordre, soi-disant pour nous protéger. Car, alors que des policier.e.s manifestent pour être encore plus armé.e.s les crimes continuent d’être perpétrés dans les banlieues au nom de l’État, et les mouvements sociaux sont de plus en plus violemment réprimés. Pour info, en Angleterre, les policier.e.s ne sont pas armé.e.s, et en Allemagne les policier.e.s manifestent pour ne PAS être équipé.e.s de tasers… sans chercher des exemples ailleurs, les forces de l’ordre ne mettent plus les pieds sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes depuis belle lurette, et pourtant les conflits sont très bien gérés en interne, par des volontaires qui alternent au sein d’un groupe de médiation. Est-ce qu’on se sent en confiance sur la zone ? Mais oui, parfaitement !

Alors il est plus que temps, tant qu’il nous reste encore un peu de voix et de courage, de crier que la police, y’en a marre, qu’on ne veut pas d’une armée de l’intérieure, et que si police il y a, alors son rôle doit être bien défini, limité et particulièrement surveillé. Car ce que les flics font aux banlieusards, tôt ou tard, ça tombe aussi sur le dos des prolos !

P.-S.

source de l’image ICI


Proposé par chaledoine
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