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SAINT-ÉTIENNE   RÉFORME DES RETRAITES (2019 - 2020, 2023)
Publié le 20 mars 2023 | Maj le 25 mars 2023

Retour sur la manifestation du 16 mars


Au lendemain d’une soirée explosive, les agent.e.s de la ville ont dû se décarcasser à ramasser les poubelles encore chaudes, repeindre les tags et nettoyer toutes les traces de débordement pour redonner à Saint-Étienne une allure de normalité. Malgré ça, vendredi matin on ne peut pas louper cet atmosphère de gueule de bois, les skoda de la BAC qui sillonnent le centre avec les vitres baissées, les plaques de plastique fondu sur le bitume, et les quelques vitrines étoilées. On a voulu revenir à chaud sur la manifestation du 16 mars et la réaction des stéphanois.e.s au 49.3.

19h sur les marches et la place de l’hôtel de ville, beaucoup de monde s’amasse, on s’observe et chacun attend ses camarades comme à chaque manif, mais cette fois-ci les visages sont plus en alerte que d’habitude. Les cris et les slogans peinent à prendre, le silence est pesant en l’absence des habituels discours au micro des voitures syndicales. Un cortège de jeunes arrive d’un pas déterminé depuis le fond de la place, drapeaux banderoles et poubelles en guise de tambour, prend place sur les marches et commence à chauffer la foule au mégaphone. Les chants et les slogans prennent tout de suite, ce soir on a l’impression qu’on croit à ce qu’on dit, tout le monde y met du coeur. A peine dix minutes après, la nuit est tombée, on commence à avoir fait le tour des slogans de chauffe, la place est bien pleine, ça nous démange de partir en manif.

Quelques dizaines de jeunes commencent le mouvement, « Allez on y va ! », « Manif sauvage ! », et c’est bientôt toute la foule qui part sur les voies du tram. On n’a pas le sentiment de suivre comme les autres fois la procession rituelle, ce soir on en a tous marre. Premier arrêt en bas de la permanence de Bataillon, derrière la banderole des groupes jeunes les manifestants se mettent à renverser des poubelles, chanter en chœur et s’exciter. Cette foule en colère reprend d’un pas déterminé sa marche, direction place du Peuple, devant les quelques passants pas spécialement choqués et entre les tramways à l’arrêt. L’ambiance est bonne, on se sent uni.e.s dans l’énervement de la journée, après avoir bataillé comme on a pu pendant deux mois aux appels de l’intersyndicale, contre le gouvernement et la résignation. Le ras le bol de ceux qui ont joué le jeu de la mobilisation exemplaire et massive se mélange à l’excitation des plus révoltés, qui étaient à deux doigts de ne plus revenir à la prochaine manif, mais qui les ont quand même toutes faites. Arrivés place du Peuple, deux voitures de la BAC garées observe sagement cette masse impressionnante de manifestants qui prend la confiance. La banderole de tête accélère le pas pour empêcher un accrochage, pourtant pas mal de gens se sentaient visiblement de faire part de leur rage aux gros bras de la milice. ça continue sur la grand rue, sans se priver d’enflammer tout ce qui traine, de cogner sur les vitres de ceux qui nous embêtent tous les jours, crédit mutuel, parcmètre, panneaux de pubs, et les halles biltoki remplies de clients mal à l’aise déguisés en riches, inquiets mais sûrement soulagés d’avoir un truc à se dire.

On prend la rue de la Résistance, ambiance chaleureuse, les slogans se répondent, on aperçoit des feux de poubelles qui éclairent la ville un peu partout, sur fond de « Macron on t’encule pas, la sodomie c’est entre ami.e.s » qui résonne. De retour au niveau de la place de l’Hôtel de ville, les groupes jeunes tiennent à monter poser derrière la banderole et écouter la sono de la CGT qui s’installe, c’est l’incompréhension pour les impatient.e.s qui n’ont aucune envie d’en rester là et craignent une fois de plus le goût amer des fins de manif. Après quelques vives engueulades, et que des petit.e.s malin.e.s aient débranché la sono au moment où elle crachait que « la mobilisation est terminée », tout le monde finit par repartir en manif sauvage, direction place Jean Jaurès. Arrivé à la préfecture, le cortège recommence à tergiverser, alors qu’en jetant un œil sur la place, on est impressioné.e.s de voir ce monde et ce chaos (symbolique) semé le long du parcours. Les professionnels de la banderole et du mégaphone annoncent a fin de la ballade, au moment où un cordon de police se forme au loin, ce qui provoque de vives réactions dans le reste du cortège. Ce soir, beaucoup n’ont pas envie de rentrer chez elleux, pas comme ça, pas après un 49.3, pas dès l’apparition d’une vingtaines de flics alors qu’on est aussi nombreux.ses et déterminé.e.s. Malgré tout, les groupe vont se séparer, certains repartent vers l’Hôtel de ville avec le gros des manifestants, d’autres restent à l’angle de la place Jaurès et la préfecture. La dynamique commence à s’essouffler, les flics en civils désormais tout proches tendent l’oreille aux hésitations des manifestant.e.s, et finalement, pour mettre fin au flottement, le cordon de police avance et gaze la place. Même si la manif s’est séparée, bon nombre d’entre nous resteront dans les rues, dans l’heure qui suit les dernier.e.s acharné.e.s se feront à l’idée que ce soir on va bien finir par rentrer chacun chez soi, à la fois frustré.e.s et euphoriques de cette demi-défaite. Les fourgons de policiers et les Skoda de la BAC se donneront quand même la peine de suivre les groupes mobiles dans les rues de la ville jusqu’à 23 heures, dépassés par les évènements et gênés par les obstacles en tout genre.

Une chose est sure, ce soir on était tous et toutes uni.e.s dans la colère et déterminé.e.s à la montrer. Par ailleurs, on peut se poser la question de l’intérêt à se limiter, s’autodissoudre, à suivre les groupes politiques et syndicaux quand ils mettent fin à la fête, alors qu’il nous est vital de s’affirmer et reprendre confiance dans la rue, notamment face à la police. Quoi qu’il en soit, l’humeur est à ne pas se laisser faire, les sourires et a détermination reviennent sur nos visages, on se parle et on se met à y croire.

P.-S.

Soutien aux familles des poubelles


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