Souffrance de la liberté en souffrance
Miguel Torre 4/12/2007
L’aberrant macro-procès connu sous le nom de « Sommaire 18-98 » vient de se conclure à Madrid, presque 10 ans après son instruction , aussi épouvantablement qu’il avait commencé : 46 des 52 citoyens basques inculpés ont été condamnés à des peines allant de 9 à 18 années de prison. Ils ont tous été incarcérés avant même que le verdict ne soit prononcé. Grâce à une claire collusion entre le pouvoir politique et le judiciaire, la sentence était connue d’avance par le ministre espagnol de l’intérieur, de voyage en Allemagne qui s’en est réjoui.
Ils ont été jugés et condamnés par l’Audiencia Nacional, tribunal politique, copier-coller et réminiscence des T.O.P. (tribunaux d’ordre public) fascistes de l’époque de Franco, dont le juge Garzón est l’un des magistrats instructeurs. C’est lui qui avait ordonné, entre autres forfaits, la fermeture des quotidiens Egin et Euskaldunon Egunkaria ; lui encore qui a interdit le parti politique Batasuna et envoyé en prison tous ses dirigeants.
Tous ces prisonniers politiques sont connus pour leur engagement, aussi acharné que pacifique, dans tous les domaines où le Pays Basque se construit de façon démocratique, populaire, en quête de justice sociale et politique. Parmi les condamnés figurent des avocats, des animateurs de communautés chrétiennes, des membres d’organismes populaires, des directeurs de journaux, des journalistes, des syndicalistes, des animateurs de mouvements de masse, des militants de la gauche basque, des professeurs d’université, des scientifiques, des personnes impliquées dans la langue basque, des écologistes, d’anciens maires… Il n’y manque que le monde des affaires, chasse gardée celle-ci de « l’entourage radical » du PNV.
La logique de ce jugement politique répond aux élucubrations de ce juge Garzón, imbu d’un sentiment infatué de sa personne, inquisiteur anti-basque du XXe siècle, dont la trajectoire internationale lui permet les plus grandes aberrations politico-judiciaires en interne. Pour lui (suivant en ceci la doctrine des gouvernements espagnols de droite ou de gauche) tout ce qui a trait à l’indépendantisme basque, tous ceux qui œuvrent pour un pays basque libre et solidaire appartiennent ou collaborent avec l’ETA.
Tous ces citoyens ont été condamnés pour « appartenance à la trame sociale, politique, internationale, économique ou médiatique d’ETA », certains au titre de dirigeants, d’autres en tant que collaborateurs.
Se taire devant cette énormité, devant ce jugement politique aux relents fascistes est un crime de lèse-démocratie ; se complaire dans l’amalgame, agréer que tout militant basque, parce que militant basque, appartient à la trame d’ETA est une terrible indécence envers la liberté commune. Nous ne pouvons pas garder silence, agir comme si rien ne se passait ou comme si ce qui se passe est logique et nécessaire.
Le moment est particulièrement grave, la démocratie est en réel danger. Vous en êtes avertis. Vous pouvez être pour ou contre un Pays Basque maître de son destin. Peu importe. Le problème est ailleurs … et si près. A quelques encablures de chez vous ; sans besoin de faire (même s’il faut le faire aussi), pour assouvir vos besoins d’engagement militant, de longs voyages revendicatifs vers d’autres peuples en danger à des milliers de kilomètres de chez vous : en Pays Basque la démocratie se meurt !
Et quand elle est en péril chez le voisin elle peut le devenir légalement en Pays Basque nord. Les récentes arrestations de personnes de chez nous obéissent au même critère, au même amalgame obscène qui traite de criminaliser tout élan politique et démocratique envers notre pays basque.
J’interpelle solennellement vos consciences ; j’assigne aussi mes amis des organisations politiques et des mouvements alternatifs à ne pas laisser passer ceci, à réagir, à résister. Que vous soyez en phase ou en opposition avec nos efforts pour que ce pays soit basque et solidaire. Les fondements de notre, de votre démocratie sont en jeu.
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