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SAINT-ÉTIENNE   MOUVEMENT POUR LE LOGEMENT DE TOU’TE’S (2019 - ....)
Publié le 3 juin 2019 | Maj le 25 avril 2020

Une expulsion rejetée comme une lettre à la poste


Le 14 mai, dans la boîte aux lettres de l’ancienne poste de Solaure est arrivé un courrier, plus précisément une requête cachetée du sceau de la commune de Saint Etienne. La présente convoquait l’occupant officiel des lieux à une audience au tribunal administratif de Lyon le 24 mai 2019. Le juge des référés [1] avait été sollicité pour ordonner l’expulsion immédiate de tou-te-s les occupant-e-s et de leurs biens.
Pour rappel, depuis le 24 avril dernier, suite aux expulsions violentes de la bourse du travail et de la fac, des personnes - toujours sans solution d’hébergement - se sont réapproprié l’ancienne poste de Solaure, vide depuis fin 2017.

Récit du procès

Vendredi 24 mai 2019, dans l’atmosphère étouffante et rétro de la salle d’audience, le spectacle judiciaire commence. Entouré de papiers jaunis et de tables en formica, M. Clément, juge des référés, rappelle les requêtes de chaque partie.

D’un côté, la mairie demande, sans aucun scrupule et sûre d’elle : l’expulsion immédiate des occupant-e-s du bâtiment ; une amende de 100 euros par jour d’occupation dépassant cette ordonnance d’expulsion ; l’autorisation de recourir à la force publique pour procéder à l’évacuation forcée des lieux et la somme de 1000 euros pour rembourser les frais de justice.
En retour, la défense requiert : le rejet de la requête de la mairie, la recherche d’hébergements par la commune de Saint-Étienne avant toute nouvelle procédure judiciaire, et si ordonnance d’expulsion un délai suffisant pour quitter les lieux.

Les règles du jeu sont posées, les plaidoyers peuvent commencer.

L’avocate de la mairie, Maitre Cohendy, entame sa grande tirade. Elle engage en rappelant avant tout le « projet de plus grande ampleur […] fermement engagé par la municipalité » sur tout le quartier de Solaure. Elle insiste sur « l’urgence à ordonner l’expulsion », justifiée, selon elle, par des études et diagnostics réalisés en 2018 et le permis de démolir octroyé en février 2019.

Sans attendre, la carte sécurité est sortie. L’avocate pointe la présence d’amiante dans le bâtiment et rappelle une évidence : la fonction première du lieu n’est pas celle de loger des personnes.
Elle rappelle que l’occupation de la poste fait suite aux « squats organisés » de la Bourse et de la faculté : serait-ce une manière de pointer du doigt la dimension politique de l’occupation ?

Sans honte, elle fait valoir la mise à disposition de la piscine de la Talaudière par la Mairesse comme une solution pas adapté mais une solution tout de même. Personne n’a oublié que la mairie de Saint Étienne n’a jamais voulu recevoir ni entendre les nombreux appels du collectif.

Argument final (le préféré de Perdriau) : la mairie n’a pas « à pallier aux manquements de l’Etat » qui serait l’autorité responsable de l’hébergement de ces personnes.

La parole est donnée à la défense. Maitre Royon cite les parties intervenantes : 21 personnes hébergées et la Ligue des droits de l’homme. La LDH intervient pour dénoncer la demande d’expulsion comme une atteinte aux droits fondamentaux de respect et de dignité humaine. Elle rappelle aussi la situation vulnérable des personnes et leurs nombreuses démarches faites auprès des autorités pour demander un hébergement.

Elle démonte ensuite les arguments de la mairie sur l’urgence et l’utilité de leur projet. Il semblerait que le projet de construction de la maison médicale « reste un mystère ». Selon les écrits de la commune, « un projet de reconstruction est d’ores et déjà envisagé », « la création d’une maison médicale était une hypothèse ». Pour les besoins du procès, la mairie transforme une hypothèse en projet urgent. La seule étude de pré-faisabilité concernant cette maison médicale a été abandonnée, et ni enquête publique ni appel d’offre n’ont été réalisés.

Quant à la dite insalubrité du lieu, Maitre Royon démontre, photos et attestations à l’appui, que les locaux possèdent l’eau, l’électricité et plusieurs sanitaires, le ramassage des ordures étant également assuré.
Pour répondre à l’argument de l’amiante invoqué par la mairie, elle rétorque que la présence de cet isolant n’a pas empêché que jusqu’à fin 2017 des employés de la poste travaillent dans ces locaux.

Affaire mise en délibéré

L’audience expéditive se conclut sur une mise en délibéré. L’après-midi de ce même vendredi, la sentence tombe : le juge rejette la requête d’expulsion de la mairie de Saint-Étienne !

Le caractère urgent de cette requête n’est en effet pas avéré pour le juge : « le seul affichage du 26 avril 2019 du permis de démolir obtenu le 16 février 2019 ne permet pas […] d’apprécier la nécessité d’une évacuation rapide du site ». Ainsi, « l’utilisation privative des locaux désaffectés ne permet pas d’établir que l’occupation constitue un préjudice suffisamment grave et immédiat à un intérêt public ».
Tant qu’un « vrai » projet (au regard de la justice) ne sera pas proposé par la mairie, le squat de Solaure ne sera pas expulsé.

Cela ne donne pas plus confiance en la justice. La situation reste la même, des personnes sont obligées de vivre dans un lieu illégal, sans espace privé. Tout repose sur la solidarité et la démerde au jour le jour, rien ou aucun logement adapté n’est proposé par les pouvoirs publics.

Mais, face au dédain affiché et assumé par Gaël Perdriau, son acharnement à chasser celles et ceux qu’il considère comme indésirables, que son énième tentative d’expulsion soit un échec reste une belle victoire !

Notes

[1Le juge de référé est le juge administratif de l’urgence et permet d’obtenir des décisions provisoires et rapides. Il juge le caractère urgent ou non des requêtes.


Proposé par Zael
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