Réferent-e-s RMI, assistant-e-s social-e-s de quartier ou de la CAF, vous aviez choisi ce boulot parce que bêtement vous vouliez aider les gens.
Pourtant, depuis un sacré bout de temps, lorsque votre usager-e ferme la porte du bureau, vous avez comme un sale gout dans la bouche
Pour être franc-he, vous avez comme l’impression que vous ne l’aidez pas tellement. Trouver un logement ? Impossible.
Empêcher son expulsion pour une dette de loyer ? Une demande de FSL est en cours, mais la prochaine commission est dans deux mois...
Débloquer un peu de fric pour finir le mois ? le budget est épuisé, à part deux bons alimentaires qui traînaient et un dossier à remplir pour le vestiaire d’Emmaus...
Bon, vous essayez de vous réconforter en pensant aux boulots que vous avez permis de décrocher ?
Un CDD de deux mois au Casino du coin, grâce au plan d’insertion élaboré par le Medef et la mairie, un emploi aidé , sans oublier bien sûr les temps partiels de douze heures au Smic horaire à la régie de quartier.
Le problème, et ce que vous n’avez pas oser dire aux usager-e-s, c’est que vous avez calculé leur revenu futur, illes vont gagner à peine cent euros de plus qu’au chômage
Ce qui vous ennuie aussi, ce sont tous ces dossiers à remplir pour informer la mairie, l’aide sociale à l’enfance de la vie de votre usager-e.
Ce qui vous ennuie encore plus, c’est que vous ne comptez plus les usager-es qui vous ont traité d’incapable, de collabo, et celleux peut-être encore plus décourageant-e-s qui vous disent oui pendant une heure, signent sans broncher n’importe quel contrat d’insertion et dont vous avez la désagréable impression qu’illes vous emmerdent en silence.
Mais que faire ? La grève ? Vous l’avez déjà faite l’année dernière mais non seulement la direction s’en foutait, mais en plus les usager-e-s ont failli vous lyncher pour les rendez-vous manqués.
Heureusement vos usager-e-s pensent à vous, vous aiment et vous comprennent. Nous autres Rmistes et autres , ne pouvons pas faire grève pour résister aux contrôles et aux pressions, ni pour augmenter notre revenu. Nous avons donc élaboré quelques autres moyens de lutte que nous vous révélons ici, mélange d’astuce et de solidarité.
A vous de jouer !!!!
- La grève du zèle : il s’agit d’appliquer à la lettre les possibilités offertes par la loi et le contenu de votre contrat de travail. Pour vos supérieurs, cela peut vite devenir désastreux.
Exemple 1 : il existe dans chaque conseil Général, des accords collectifs, qui consistent à réserver à certains usager-e-s des logements sociaux. Il faut constituer un dossier que vous transmettez ensuite à une commission. Théoriquement ces accords peuvent concerner beaucoup de monde, mais vu le petit nombre de logements que les bailleurs et les mairies consentent à mettre sur le marché, on vous demande plus ou moins officieusement de limiter le nombre de demandes. Oh là, là mais c’est très arbitraire tout ça. Donc soyez neutres, et faites systématiquement les dossiers. Vous obligerez ainsi les représentant-e-s des bailleurs et les élu-e-s à passer des heures et des heures en commission . Bien sûr vous aurez informé vos usager-e-s de QUI siège dans ces commissions et QUI refuse les logements.
Exemple 2 : ce n’est pas vous qui déterminez les budgets du fonds solidarité logement, des aides financières d’urgence, du fonds EDF. Pourquoi ce serait à vous de gérer la pénurie ? Au contraire informez systématiquement les usager-e-s de leur droit, faites leur remplir des demandes, encore et tout le temps.
- N’assumez que vos responsabilités propres : vous les trois quarts du temps, vous ne faites que remplir les dossiers. Ensuite, c’est une commission ou vos supérieurs qui prennent la décision. Résultat, quand celle-ci est injuste ou inadaptée, qui prend tout en pleine poire ? Vous. Perdez vos mauvais réflexes : appelez systématiquement votre direction dès qu’un usager-e est mécontent-e, et passez lui au téléphone, ou mieux emmenez le/la dans le bureau de votre supérieur.
- Vous n’êtes pas un bureau de placement, vous êtes un travailleur social ou une travailleuse sociale : de plus en plus, on vous bassine en réunion avec l’insertion professionnelle. Tous les mois, on vous présente tel ou tel stage bidon que vous êtes censé conseiller à vos usager-e-s, tel ou tel type de contrats aidés à placer. Mais vos usager-e-s Rmistes sont en mauvaise santé, ont des problèmes de logement, de formation et franchement vous vous trouvez un peu à côté de la plaque avec stages de remobilisation dont la seule brochure de présentation a suffi à vous donner le bourdon, alors vous n’imaginez même pas le résultat du stage lui-même sur l’usager-e.
Mais au fait la loi sur le RMI prévoit que l’allocataire peut signer uniquement sur l’insertion sociale ? Eh bien proposez à tous vos allocataires des contrats sur ce thème et défendez la reconduction tant que la situation sociale ne s’est pas arrangée. C’est la loi, non ?
- Personne ne voit ce que vous faites dans votre bureau :
franchement, convoquer des allocataires pour leur répéter les discours de l’institution ça vous fait autant chier qu’elleux ? Eh bien si vous êtes obligé-e de les convoquer , vous n’êtes pas obligé-e de les harcelez. Et si au lieu de leur poser sans arrêt les mêmes questions (alors, qu’est ce qu’on a fait ce mois ci pour trouver du boulot), vous en profitiez pour les informer de leurs droits ? Sachez-le, l’ambiance est telle, que la plupart d’entre nous n’osent plus rien demander à moins d’une urgence vitale de peur d’être catalogué-e-s comme assisté-e-s.
- Prenez vos responsabilités : ils veulent vous forcer à contrôler, c’est à vous qu’on demande de signaler l’absent à la convocation ? Franchement qu’est ce qui est le plus grave, mentir et déclarer la personne présente, ou la priver de revenu alors que vous savez très bien qu’elle est déjà dans la merde et qu’en plus vous n’aviez pas tant de choses que ça à lui proposer pour s’en sortir ?
- Brisez le silence : oui d’accord, il y a le secret professionnel. Mais enfin, personne, pas même votre inquisitrice de directrice ne pourra soupçonner que derrière « super référent-e » qui témoigne de ce qui se passe dans tel ou tel service sur ce site, ou « sauveuse des assisté-e-s qui envoie plein de conseils sur un forum de chômeurs chômeuses », se cache Monsieur Boudu ou Madame Titane, référent-e parmi d’autres au CCAS du coin.
Oui, mais si je suis tout-e seul-e à faire ça, ça ne changera rien pour les usager-e-s ?
Çà changera déjà les choses pour vous, qui ne serez plus tout à fait un petit maillon de la grande chaîne à précariser. Vous verrez aussi que vos usager-e-s ne sont pas ces monstres agressifs ou agressives et quémandant qui vous mettent tout sur le dos mais la plupart du temps des gens dont les problèmes ne sont pas très éloignés des vôtres.
Et puis êtes vous vraiment sûr d’être tou-te-s seul-e-s ? Et si vous étiez nombreux et nombreuses à faire les mêmes constats et que ce qui vous manquait c’était les perspectives d’action ?
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