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ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON
Publié le 10 juin 2012 | Maj le 27 janvier 2020 | 1 complément

La prison tue ! Philippe El Shennawy, 58 ans, se laisse mourir de faim dans une cellule de la maison centrale de Poissy (78)


Nous relayons ci-dessous des informations alarmantes publiées par l’association Ban Public sur son site prison.eu.org. Cela concerne Philippe Et Shennawy qui, après plus de 37 années d’incarcération, se voit repoussé encore et encore ses espoirs de sortir de prison, par le fait de décisions judiciaires. Epuisé, il a décidé de se laisser mourir de faim...

Paris, le lundi 4 juin 2012

"D’une certaine façon, je suis en ce moment de vie à la croisée des chemins…
Dans quelques jours, j’aurai 57 ans et je me sais encore assez d’énergie et de volonté pour entreprendre quelque chose de positif dans la mesure où une perspective à très court terme se profilerait. Par contre, si la situation et les incertitudes devaient perdurer, il sera plus logique et plus sain d’y mettre un terme de soi-même. Rassurez-vous, …, il ne s’agit pas là d’un discours de désespéré, loin de là .
Je suis simplement fatigué."
(Maison centrale de Poissy, le 7 mars 2011)

La fatigue, le désespoir et la révolte de Monsieur Philippe El Shennawy sont parfaitement compréhensibles, eu égard à la situation qu’il vit depuis maintenant plusieurs décennies. A cinquante-huit ans, il a vécu "emmuré vivant" de manière presque continue depuis l’an 1975, date de sa première incarcération pour vol à main armée. Plus de trente-sept années plus tard, un arrêt rendu le vendredi 18 mai 2012 par la Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles statuant en matière de confusion de peines est venu briser toute perspective réaliste d’élargissement.

Désormais "libérable" en 2032, une date de sortie absurde pour un homme qui sera alors âgé de soixante dix-huit ans, et dont aucune expertise ne vient à ce jour souligner le caractère dangereux, Monsieur Philippe El Shennawy a décidé, voici 10 jours, de lâcher prise et de rompre avec une existence entièrement vécue dans l’insoutenable attente de décisions administratives et judiciaires.

  • Monsieur Philippe El Shennawy a décidé de se laisser mourir de faim.
  • Il a cessé de s’alimenter au cours de la journée du mercredi 23 mai 2012.

Plus de trente ans après l’abolition proclamée de la peine de mort, la justice française rend de toute évidence encore des décisions qui tuent. Si elle ne condamne plus à la guillotine et l’échafaud, la longueur infinie et l’accumulation des peines prononcées suppriment à petit feu et avec une redoutable efficacité les femmes et les hommes sur lesquelles elles s’abattent. Souvent, comme Monsieur Philippe El Shennawy, ces condamnés à mort d’un genre nouveau n’ont pas la moindre goutte de sang sur les mains.

S’il existe des décisions que l’on peut comprendre, notamment en ce qu’elles n’ôtent pas toute perspective effective d’avenir, mais laissent encore ouverte la possibilité de se construire un futur, celles qui ont successivement été prises à l’encontre de Monsieur El Shennawy ne comptent pas parmi elles.

Parce que Monsieur Philippe El Shennawy qui est attendu, dehors, par sa famille, sa femme, ses enfants et petits-enfants, a déjà commencé à se laisser mourir d’inanition, seul derrière les barreaux de la maison centrale de Poissy, il serait insupportable que ce déni d’humanité demeure dans l’ombre [1]

Paris, le jeudi 7 juin 2012.

Bonjour,

Ces quelques lignes dans le but de vous informer de la situation de Monsieur Philippe El Shennawy, cinquante-huit ans. Il a décidé depuis deux semaines de se laisser mourir de faim dans une cellule de la maison centrale de Poissy, près de Paris. Il n’a rien avalé depuis le 23 mai dernier.

Peut-être connaissez-vous Monsieur El Shennawy, personnellement ou de réputation. Son nom évoque pour la presse à sensations une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme à cause des fouilles incessantes imposées par l’administration, son évasion de l’Unité pour Malades Difficiles (UMD) de Montfavet pour résister à la folie vers laquelle le poussait l’institution psychiatrique, sa présidence d’honneur de l’association Ban Public, ou encore le célèbre braquage de l’avenue de Breteuil, au milieu des années 70, dans lequel il nie toujours formellement la moindre implication..
Philippe El Shennawy incarne aussi, pour beaucoup, une sorte de figure emblématique de la "longue peine", de la très longue peine. Bientôt de la peine infinie.

A cinquante-huit ans, il a vécu emmuré vivant presque en continu depuis 1975, date de sa première incarcération pour un vol à main armée.
Il a tourné dans quasiment toutes les prisons de France, baluchonné, étiqueté D.P.S, placé pendant 19 ans à l’isolement.
Plus de trente-sept années plus tard, il est toujours en prison, accumulant des peines qu’il lui reste à faire de 3 ans, 5 ans, 10 ans, 12 ans, 13 ans... Toujours sans avoir la plus petite goutte de sang sur les mains. Il est sous le coup d’une peine de sûreté qui court jusqu’en 2018.

Comme les condamnations dont il a écopé sont tombées pour des faits commis tous en même temps (à vrai dire, pour financer ses quelques mois de cavale), Monsieur El Shennawy a demandé une confusion de peines aux magistrats, afin que les peines les moins graves soient "absorbées" par les peines les plus importantes. Il l’a fait pour essayer de retrouver un horizon, pour pouvoir à nouveau s’imaginer un avenir, pour ne pas continuer à attendre et à faire attendre sa femme, ses enfants et petits-enfants, comme ça, sans savoir.

Mais le 18 mai dernier, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Versailles s’est contentée de ramener sa date de fin de peine de 2036 à 2032, comme si cela changeait véritablement quelque chose, comme si c’était ce qu’il lui demandait, alors qu’elle aurait légalement pu rapporter cette date de fin de peine vers l’année 2017.

Il n’y a aucune motivation à cette décision.

La seule chose à comprendre, c’est que pour la Chambre de l’instruction, il serait parfaitement normal que Monsieur El Shennawy ne sorte qu’à 78 ans, après avoir été privé de ses libertés pendant près de 54 ans.

La trajectoire de Philippe El Shennawy est très particulière, elle ne ressemble à aucune autre. Il n’empêche qu’il fait partie de ces centaines d’hommes en France qui, condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ou, tout simplement, à des peines à temps d’une longueur infinie ou qui s’accumulent entre elles, perdent de plus en plus l’espoir d’une perspective réaliste de sortie.

Son histoire est tout à fait propre à sa personne, son caractère, son entourage (heureusement encore extrêmement présent). C’est un homme d’une grande intelligence et d’un grand courage.

Dans le même temps, son histoire pose vraiment des problèmes beaucoup plus généraux comme l’allongement et l’accumulation des peines prononcées par les magistrats et les jurés, les discours publics de plus en plus présents sur la « Â dangerosité » supposée des uns et des autres, l’isolement et la solitude toujours plus grands ou, tout simplement, les peines de mort déguisées.

Philippe El Shennawy n’attend plus rien. Il ne demande plus rien. Il veut juste essayer de faire en sorte que les gens, dehors, sachent que des situations comme la sienne existent. Et combien elles sont difficilement supportables pour ceux qui les vivent et leurs proches.
Monsieur El Shennawy espère que les choses vont changer. Pas pour lui, il n’y croit plus, mais pour les autres.

S’il a complètement cessé de s’alimenter, il boit encore de l’eau.

C’est un homme fort, solide, mais déjà affaibli par une grève de la faim précédente, de 80 jours.

Son désespoir commence à être plus que pesant.

Surtout, il faut bien comprendre une chose. Cette fois, Monsieur El Shennawy n’est pas en grève de la faim.

Il n’a pas de revendications.

Il n’en peut tout simplement plus.

Il veut juste que ça s’arrête. Et il importait que vous en soyez averti, que ce déni d’humanité ne reste pas dans l’ombre.

Si vous voulez écrire à Monsieur Philippe El Shennawy, son adresse est la suivante :
Maison centrale de Poissy
17, rue de l’Abbaye,
78303 Poissy Cedex.

Merci de bien vouloir faire en sorte que cette information circule le plus possible, dans tous les établissements pénitentiaires de France.

P.-S.

Contact pour tout renseignement :
Virginie BIANCHI, 242 bis, boulevard Saint Germain, 75007 Paris.
Tél. : 01. 42.22.46.42 - Fax. 01.42.22.63.79, Vest. A 412.

Notes

[1Une conférence de presse a été organisée par Maître Virginie Bianchi, avocat à la Cour : Le jeudi 7 juin, à 11 heures, à la Maison du Barreau (salle Jean Martel) 2, rue de Harlay 75001 Paris


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1 complément

  • 37 années de prison pour un braquage à mains armées ?? C’est du délire !
    Il s’est évadé entre temps ?

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