"Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...
Une drôle d’époque de bruit et de fureur où des foules de jeunes étaient capables de se rassembler pour chanter, danser, faire la fête, mais aussi pour s’opposer et protester d’un seul élan, d’un bout à l’autre du monde, contre des formes d’oppression qui leur semblaient intolérables.
Ils savaient alors ce que ça signifiait de « se sentir puissants collectivement et capables de changer le monde ». Il y avait de la créativité dans l’air, une forme de romantisme décapant, dans tous les domaines les idées fusaient, se stimulaient, se répandaient en courants vivaces, les films véhiculaient ce souffle-là et les arts étaient une quête constante de sens et de remise en question. Il y eut de grandes histoires, de grandes figures pour marquer cette époque-là de traces indélébiles.
Certaines plus que d’autres et une palanquée d’avancées politiques et sociales nous sont restées de cette agitation. S’il est une personnalité qui a marqué cette période à plus d’un titre, c’est bien Angela Davis, une jeunette splendide d’une vingtaine d’années au visage fin, à la coiffure affro qui lui faisait comme une auréole immense et dont l’effigie fleurissait les tee-shirts dans les manifs. La planète entière s’était mobilisée pour la sauver de la peine de mort... sans « face de bouc » ni twitter ni aucun des réseaux sociaux d’internet... la chose aujourd’hui semblerait impensable : ils étaient plus de 100000 à Paris à manifester en scandant son nom, Sartre et Beauvoir en tête, Prévert lui écrivit un poème, les Rolling Stones une chanson : « Sweet Black Angel »...
Parce que nous pensons devoir lutter contre l’effacement de la mémoire, la projection commencera par une présentation du cas Georges Ibrahim Abdallah.
Militant communiste révolutionnaire des FARL (Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises), ce dernier est incarcéré dans les geôles françaises depuis 28 ans.
Il a ainsi le triste privilège d’être le plus vieux prisonnier politique d’un pays qui ne reconnaît toujours pas ce statut.
Arrêté le 24 octobre 1984 à Lyon, il est d’abord condamné à quatre ans de réclusion pour association de malfaiteurs. Puis, suite à une intervention du gouvernement des Etats-Unis porté partie civile (!) dans son procès et demandant la requalification des faits, il sera condamné début mars 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité pour sa complicité dans les attentats des FARL, bien qu’il n’y ait aucune preuve matérielle de cette complicité.
Revenir sur l’itinéraire de ce militant qui ne se renie pas et analyser les conditions de son procès et de sa détention sont autant de moyens de mettre en lumière ce qui pourrait, malheureusement, représenter un « cas d’école » du traitement des inculpés et prisonniers politiques : la désinformation médiatique, l’implication des Etats au sein même des appareils de la justice, l’amnésie volontaire des mouvements progressistes et de l’extrême-gauche institutionnelle, les insinuations, le recours au mensonge, les amalgames et les anachronismes, le piétinement des droits élémentaires constitutionnels...
Libérable depuis octobre 1999, Georges Ibrahim Abdallah a vu ses premières demandes de liberté conditionnelle refusées notamment en raison « ... de l’impact susceptible d’être provoqué en France, aux Etats-Unis et en Israël par la libération de ce condamné... ».
Le 21 novembre 2012, le tribunal d’application des peines a, de nouveau, donné un avis favorable à sa libération en l’attente d’un arrêté d’expulsion, que le ministre de l’intérieur (socialiste) n’a toujours pas voulu signer à ce jour. Depuis quatre mois, à travers de multiples manoeuvres, une véritable obstruction politique entrave sa libération effective illustrant ainsi le deux poids deux mesures d’un processus qui permet l’intervention politique des états dans des procès d’inculpés à qui on refuse d’autre part ce même statut... Le 20 mars,la cour de cassation rendra son avis sur la possible libération de Georges Ibrahim et le lendemain, le tribunal de l’application des peines convoquera (pour la troisième fois) le prisonnier pour examiner avec la lui sa possible libération et expulsion.
Impossible donc de connaître à ce jour quelle sera sa situation au 10 avril 2013.
Angela Davis, Georges Ibrahim Abdallah, ces exemples illustrent la condition de ces milliers de prisonniers politiques qui ont en commun que leurs droits humains soient refusés et niés. Approche rendue compliquée car la plupart des Etats refusent de reconnaître l’existence d’une opposition effectivement politique et cherchent à pénaliser toute forme de solidarité.
« Partout où l’on voit fleurir l’espoir et la dignité, s’affiche en arrière plan le long parcours de la Résistance. Résister et toujours résister jusqu’au changement des rapports de forces. » Georges Ibrahim Abdallah, 2009.
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