Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
ANALYSES ET RÉFLEXIONS URBANISME - GENTRIFICATION - TRANSPORT
AUTOROUTE A45 (2016 - 2018)
Publié le 23 février 2017 | Maj le 23 avril 2020

Le PPP, les bénéfices au privé, les emmerdes pour tous !


Le montage financier de la future A45 repose, comme la plupart des grands projets d’infrastructure récents en France, sur un Partenariat Public-Privé signé avec la filiale Autoroutes de Vinci, un « PPP ».

Sous cet anodin acronyme se cache un type de contrat bien particulier qui empoisonne les finances publiques depuis une vingtaine d’années. De prime abord, le principe en est simple : déléguer à une entreprise privée le financement, la conception, la réalisation, la gestion et l’entretien d’un équipement d’intérêt ou de service public, qu’il s’agisse d’une route, d’un stade, d’une prison, d’une école ou d’un aéroport. L’entreprise avance l’argent, la collectivité et l’état paient moins, voire rien de leur poche, charge à l’entreprise de se rembourser et de faire un éventuel bénéfice à l’usage. Dans un contexte de rigueur budgétaire et pour des élus ayant à cœur de présenter un bilan comptable satisfaisant à l’issue de leur mandat, ces contrats présentent l’avantage de ne pas trop peser sur les finances publiques. Comme nombre des dispositifs opérant un transfert des missions publiques au secteur privé, les PPP sont issus des PIG (Projet d’Intérêt Général) nés sous l’ère Thatcher et développé sous Tony Blair, deux fervents adeptes du néolibéralisme et de l’effeuillage de l’État : 15 ans après, ce sont des milliers de structures publiques qui sont au bord de la faillite du fait des charges qui pèsent sur elles et il revient à un gouvernement conservateur la tâche de revenir sur ces partenariats.

Où le bât blesse-t-il, vous demandez-vous ? D’abord, un service public n’a pas vocation à rapporter de l’argent, et les supposés bénéfices de ce service ne peuvent donc provenir que :

  • d’un accroissement de la demande, l’argument le plus souvent avancé dans les premières étapes du projet, dont l’A45, la LGV Paris-Bordeaux ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ;
  • d’économies ou de gains de rendements qui se révèlent inexistants, au prétexte contredit par toutes les études que « le privé travaille mieux que le public », et qui se révèlent généralement n’être que des marges obtenues grâce à une moindre qualité de construction ou de service, au licenciement des employés, etc.
  • des contribuables devenus clients (c’est le cas des autoroutes par le biais des péages), des collectivité locales (c’est le cas de stades construits sous le régime du PPP) ou de l’État (c’est le cas du tout nouveau ministère de la Défense, de nombreuses prisons, etc.) devenues locataires, l’entreprise gestionnaire ayant toute latitude dans la tarification du moindre acte sur l’ouvrage.

De fait, l’accroissement de la demande est généralement surévalué, voire fantaisiste, et les gains de rendement cachent souvent des coups de rabot dans la qualité de service, de réalisation ou se font à coups de licenciements qui constituent un coût pour la communauté. Surtout, les PPP se révèlent pour les concessionnaires une rente considérable réalisée sur le dos de la collectivité, elle qui prétendait économiser : entre participation au financement initial, loyer, facturation de la moindre modification, perte d’autonomie vis-à -vis de l’équipement, la facture finale se révèle souvent très largement supérieure. C’est le cas du futur « pentagone à la française » construit par Bouygues, ou encore l’Hôpital du sud francilien d’Évry qui avait finalement rompu le PPP avec Eiffage : la facture initiale de 355 millions se transformait en facture cumulée de 1,3 milliards d’euros à l’issue du bail emphytéotique, bail qui a toutes les raisons d’être renouvelé dans la mesure où l’État et la collectivité se débarrassent entre temps des services à même de prendre en charge de telles missions.

La spécificité du PPP « à la française » concerne la prise de risque : à l’encontre de la doxa libérale la plus élémentaire, des clauses prévoient qu’au cas où les bénéfices ne seraient pas au rendez-vous, le partenaire public dédommagerait le concessionnaire, comme c’est le cas du Stade du Mans, et qu’en cas de faillite ou d’impossibilité de la part du concessionnaire de mener à bien sa mission, l’État prendrait en charge dette et équipement, comme cela risque d’être le cas pour l’A65, dont la fréquentation est deux fois inférieure à celle prévue. Au cas où le contrat devait être rompu par la collectivité, des compensations d’un montant souvent extravagant sont prévues, comme ce fut le cas des portiques d’Ecomouv.

Dans le cas de l’A45 [1], le financement se fait à hauteur de 865 millions d’euros par les collectivités locales et l’État et en apparence à hauteur de 300 millions par le privé, en apparence dans la mesure où il s’agit d’un prêt consenti par la Banque européenne d’investissement, à cela s’ajouteront les péages dont les prix seront à la discrétion du concessionnaire durant les 55 ans d’exploitation prévus, qui généralement sont reconduits sans autre forme de discussion. Quant aux closes de résiliation, on en ignore la teneur, mais elles existent. A cela s’ajoute l’incertitude concernant le maintien de l’A47, dont la rénovation par les services de l’état est retardée et qui constituerait sans doute à terme une concurrence jugée déloyale dans un contexte européen de libre concurrence. Loin de constituer des contrats « gagnant-gagnant » comme le prétendent leurs défenseurs, les PPP sont des bombes à retardement pour les finances publiques et contribuent un peu plus à privatiser les services publics français.

Notes

[1Sur ce projet, lire les autres articles du dossier « L’A45 : petite leçon de charlatanisme ».


Proposé par Couac
Partager cet article
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Comment publier sur lenumerozero.info?

Le Numéro Zéro n’est pas un collectif de rédaction, c’est un outil qui permet la publication d’articles que vous proposez.
La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Voila quelques infos rapides pour comprendre la publication. Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir via notre mail lenumerozero [at] riseup.net

 

NEWSLETTER

Lire aussi dans URBANISME - GENTRIFICATION - TRANSPORT

Lire aussi dans AUTOROUTE A45 (2016 - 2018)

Lire aussi dans COUAC

PROCHAINS RENDEZ-VOUS

À la une...

Conférence Aurélien Catin : Art Work is Work !
Publié le 27/03/2024

« La vie rêvée de Sainte Tapiole » : Rencontre avec Hervé BRIZON et Terrasses Éditions
Publié le 27/03/2024

Présentation du projet de bar associatif et imprimerie des associations Combat Ordinaire et Après la révolution
Publié le 27/03/2024

Repas-discussion, préparé par le collectif Contraceptions pour toustes 42
Publié le 24/03/2024

La région AURA vote le déploiement de la VSA dans les gares et les lycées
Publié le 22/03/2024

Tour Pour Gaza !
Publié le 22/03/2024