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ANALYSES ET RÉFLEXIONS ÉCOLOGIE - NUCLÉAIRE
AUTOROUTE A45 (2016 - 2018)
Publié le 21 février 2017 | Maj le 23 avril 2020

Les « consultations publiques » : j’ai raté quelque chose ?


Les grands projets inutiles se multiplient, les consultations publiques qui vont avec aussi. Mais à quoi servent-elles ? Les questions d’environnement sont complexes car elles soulèvent à la fois des questions juridiques, sociales, économiques, scientifiques...

C’est pour cette raison que les décideurs ont préféré ne pas s’intéresser à l’avis des citoyens pendant longtemps, pour assurer la simplicité et la rapidité des décisions. Jusque dans les années 90 et la populaire loi Barnier, les politiques pouvaient octroyer des permis de construire simplement parce qu’ils leurs semblaient être dans l’intérêt général. Mais depuis, et notamment grâce à la Convention d’Aarhus, signée par de nombreux pays et ratifiée en France en 2002, les autorités administratives et les maîtres d’ouvrage doivent obligatoirement mettre en place des outils d’information et de participation citoyenne pour valider la légitimité et la légalité de leur projet si celui-ci est susceptible d’avoir des impacts sur l’environnement. Tous les projets ne sont pas soumis au même règles. Certains, ayant un impact minime, peuvent être faits sans consultation ; d’autres, plus importants, sont automatiquement soumis à ces procédures pour pouvoir être déclarés d’utilité publique. Dans cette dernière catégorie entrent typiquement les autoroutes, les voies de chemin de fer, les aéroports, les barrages, les mines, les travaux de stockage de déchets radioactifs, etc...

Concernant l’A45, à quoi a servi la consultation publique ?

Il est tentant de vous dire : à rien. Pourtant, ce n’est pas exactement le cas.
La consultation peut être un argument politique, voire juridique pour les citoyen-nes. Il faudra, devant le tribunal, que les autorités administratives et/ou le maître d’ouvrage justifient leur position à la suite de la consultation. Par exemple, dans le cas de l’A45, le commissaire-enquêteur avait émis une réserve demandant une étude d’impact supplémentaire concernant les nappes phréatiques. Si les autorités n’étaient pas obligées de réaliser cette étude, elle l’ont cependant faite car il aurait été impossible de justifier le contraire. Cependant, ces mesures s’exercent toujours à la marge. L’exécutif conserve un très fort pouvoir décisionnel. C’est pourquoi il est tentant de dire que la participation du public est symbolique. C’est la différence entre démocratie représentative et démocratie participative : dans la première ils peuvent faire semblant d’écouter les citoyens, malgré l’obligation légale de mettre en place une consultation ; tandis que dans la deuxième la décision administrative doit obligatoirement suivre les résultats de la consultation.

Des efforts peuvent être faits sur de nombreux points.

Tout d’abord, l’accès à l’information, afin que l’ensemble de celles-ci soient mises à disposition des citoyen-nes. Le cas de l’A45 est assez classique. Le maître d’ouvrage va segmenter l’ensemble en plusieurs petits projets. Cela lui permet à la fois de ne pas atteindre certains seuils qui l’obligeraient à consulter la population sur tous les segments de l’autoroute. Mais aussi d’éviter d’en apporter une vision globale, qui montrerait en réalité un impact environnemental, économique, social et politique plus important. Par exemple, le projet d’A45 soumis à l’enquête publique ne comprend pas le prolongement futur vers le sud-ouest, ni les lotissements ou les zones industrielles prévues sur le tracé, ni les nombreux viaducs et tunnels nécessaires à sa construction. En outre, le débat public a eu lieu en 1993 et l’enquête publique en 2007... Depuis, le contexte économique, social, environnemental n’aurait-t-il pas changé ? Ne faudrait-il pas une nouvelle phase d’information et de consultation aujourd’hui ?
De plus, le débat doit être décentralisé. En effet, aujourd’hui, on constate que ce sont souvent les mêmes qui participent : les grandes organisations de protection de l’environnement, certains experts pointus et renommés dans les domaines économiques ou scientifiques, des lobbies puissants (chasseurs par exemple) mais pas souvent les pauvres ni les riverains... Alors que ce sont les premiers impactés.

Appel à participer !

Même si elles sont souvent biaisées, tronquées, allons participer aux consultations : elles existent et il faut les faire vivre, s’en saisir pour pouvoir les améliorer. Quelques exemples, dans d’autres pays, montrent qu’il est possible de concerter la population dans un délai raisonnable. Une solution proposée par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) est de mettre en place des comités tournants de décision, en rassemblant des représentants de l’État, des collectivités territoriales, de l’entreprise chargée du projet, de syndicats, d’associations, et de citoyens (des jeunes comme des anciens). Cela a une chance d’exister un jour si ces derniers montrent qu’ils souhaitent participer aux décisions sur l’environnement.
A ce jour, aucune compétence spécifique n’est requise pour donner son avis : chacun d’entre nous peut écrire une lettre en posant des questions au promoteur et/ou à l’administration (et ensuite, éventuellement, montrer qu’elles sont restées sans réponses…).

Les questions peuvent aborder tous les sujets : l’emploi, le transport durable, l’agriculture, la qualité de l’air, la qualité des sols, la qualité de l’eau, etc.. N’attendons pas que les méthodes de consultation soient réformées pour mettre les promoteurs et décideurs politiques devant leur contradictions !

Zoom sur les différents processus de consultation français

Le droit français prévoit trois modes de consultation : le débat public, l’enquête publique et la concertation. Ils ont souvent lieu dans cet ordre là . Voici leurs principales caractéristiques :

Le débat public est une rencontre entre le promoteur du projet et le public, organisée par la Commission Nationale du Débat Public (la CNDP), une autorité administrative indépendante de l’État. Pendant ce débat, toute personne peut soumettre une observation ou poser une question au maître d’ouvrage. Celui-ci devra y répondre dans un délai de 3 mois dans un rapport dans lequel il pourra s’engager à modifier le projet. A l’issue du débat, la CNDP n’a pas le pouvoir de donner un avis favorable ou défavorable : elle n’a fait qu’organiser la discussion.

L’enquête publique est menée par un commissaire-enquêteur. Celui-ci peut être désigné par le président du tribunal administratif, le préfet, le maire, ou encore le président du conseil du département. Il est choisi en fonction de ses compétences techniques, socio-économiques, environnementales, politiques... Autrement dit les compétences requises pour pouvoir faire un bilan de l’impact du projet, qu’il soumettra au préfet. A l’issue de l’enquête, à laquelle toute personne peut répondre, le commissaire-enquêteur publie un avis favorable, avec réserves, ou défavorable au projet.

La concertation est menée par les pouvoirs publics eux-mêmes, est souvent utilisée par les villes pour modifier le PLU. Elle doit avoir lieu lorsque le projet est en cours d’élaboration. Elle comprend l’obligation d’informer et de dialoguer avec les personnes susceptibles d’être intéressées par le sujet, néanmoins c’est l’autorité administrative qui décide de l’objectif et des modalités de la concertation. Par ailleurs, comme dans les procédures présentées précédemment, l’autorité n’est pas juridiquement tenue par l’avis des citoyens.


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